«Beaucoup trop de diplômes ne sont qu’une perte d’argent», faisait valoir The Economist. «Les gouvernements encouragent les jeunes à entreprendre des études, mais l’investissement n’est parfois pas aussi élevé qu’espéré», concluait l’article. Aux Etats-Unis, «le diplôme est la porte d’entrée à une dette énorme et un avenir incertain», renchérit l’institut Payscale dans son rapport 2016 sur les universités les plus rentables.

La dette des étudiants américains dépasse en effet 1000 milliards de dollars et 44% des diplômés n’ont pas un emploi correspondant à leur formation. Le classement Payscale présente le rendement de l’investissement 20 ans après le diplôme. Le plus rentable serait le California Institute of Technology (Caltech). Le coût des études s’élèverait à 230 000 dollars et le rendement après 20 ans à 973 000 dollars.

Débouchés dans l’économie, moins dans la musique

En Suisse, l’Office fédéral de la statistique a publié jeudi la situation cinq ans après l’obtention du diplôme. En termes de salaire médian (celui qui comprend autant de salaires supérieurs qu’inférieurs), cinq ans après un Bachelor dans une HES, le salaire le plus élevé revient aux anciens des sciences économiques (96 000 francs), devant ceux des sciences informatiques (92 000 francs), du travail social (89 700), de la santé (78 000). La musique s’avère la moins «rentable» (81 300 francs).

Cinq ans après un Bachelor dans une université, le salaire médian atteint 91 000 francs pour les anciens de sciences économiques, contre 79 600 les sciences exactes, 78 000 francs les sciences humaines et sociales. Les détenteurs d’un doctorat ont un salaire de 143 000 francs s’ils ont fait le droit, 120 000 francs les sciences économiques, 110 000 francs les sciences techniques, 108 000 francs la médecine, 100 000 francs les sciences humaines, 97 000 francs les sciences exactes.

Le taux de chômage des diplômés suisses reste très bas en comparaison internationale. Cinq ans après le Bachelor, le taux d’activité est compris entre 88,6% (universités) et 96,5% (HES).

Distinguer uni, MBA et EMBA

L’analyse du rendement exige de distinguer entre les différentes catégories d’études, universitaires, HES, MBA, «executive MBA».

Mais l’idée d’une mesure de la rentabilité des études ne fait pas l’unanimité. Il n’est pas toujours aisé de préciser d’un côté l’ensemble des coûts de l’investissement et de l’autre le salaire à la sortie ou cinq ans plus tard. «Il n’est pas possible d’obtenir un rendement précis et sérieux parce qu’il dépend du projet de carrière, de la situation personnelle, des perspectives à long terme ainsi que du pays de l’étudiant», indique Alexia Lepage, responsable des relations publiques auprès de Les Roches International School of Management, en Valais. Elle ajoute que les comparaisons de rendement «ignorent la dimension humaine et comparent des situations personnelles incomparables. Si un étudiant obtient un emploi de cadre en Asie, avec logement, pension complète et voiture de fonction, le niveau du salaire initial peut sembler minime, mais il faut le comparer aux conditions de vie locales», ajoute-t-elle. L’objectif de l’institution consiste à s’assurer que tous les étudiants obtiennent des places de stages attractives au cours de leur cursus et au moins une offre d’emploi correspondant à leur projet professionnel le jour de l’obtention du diplôme, selon la porte-parole. Cette aide au placement se traduit par exemple par la visite de 120 entreprises à Bluche chaque année. Actuellement le taux de placement est de 89%, parce que certains diplômés veulent poursuivre leurs études ou d’abord faire leur service militaire.

L’effet de l’offre et de la demande

«Une diminution du rendement des études universitaires peut être observée depuis le début des années 2000», affirme Oscar Calderon dans une étude de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC). Serait-il dû à un déséquilibre entre l’offre et la demande?

La demande en études supérieures s’est en effet accélérée. L’inscription au 1er cycle universitaire a augmenté de 50% en 15 ans en Suède, en Finlande et au Danemark confirme une étude sur le rendement des études au sein de 12 pays européens, réalisée par Elena Crivallero, de l’université de Padoue. Cette forte hausse s’est traduite par un choc sur le marché du travail, explique-t-elle.

Au cours des 15 dernières années, la forte augmentation de la participation universitaire s’est traduite par «un déclin significatif du rendement des études dans les pays à proportion relativement élevée d’employés très qualifiés et à une chute marquée du rendement des études universitaires pour les cohortes les plus récentes en Europe: Une offre relative accrue mène à une baisse de la prime universitaire dans les salaires», écrit-elle.

L’IMD bien placée

Pour les programmes de master of business administration (MBA), les comparaisons abondent. Une récente étude de l’institut QS portant sur 46 MBA montre que l’investissement est remboursé en moyenne après 28 mois en Suisse, en France et en Espagne, 32 mois au Royaume Uni et 30 mois en moyenne. Il faut donc deux ans et demi pour rembourser les frais d’études.

L’«Executive MBA» (EMBA) constitue une autre catégorie d’investissement. A l’IMD, 13ème au sein du classement mondial 2016 des MBA du Financial Times (20ème en 2015), en moyenne, les participants du EMBA sont âgés de 40 ans, bénéficient de 15 années d’expérience professionnelle, et conservent leur emploi lorsqu’ils entament un programme de formation. Dariu Dumitru, responsable de la communication et du marketing du EMBA à l’IMD, explique que les participants «ne visent pas qu’une hausse de salaire en entreprenant ce programme. Ils visent un objectif personnel, tel que l’ouverture de nouveaux horizons, l’innovation, un partage d’expérience avec des personnalités de haut niveau ou encore une meilleure connaissance de soi». «Si vous ne cherchez qu’une hausse de salaire, vous n’êtes peut-être pas prêts à cela», selon l’IMD. Le rendement est d’autant plus difficile à estimer que l’EMBA profite aussi à l’entreprise, fait valoir Dariu Dumitru. Des projets sont imaginés pendant ces cours et mis en pratique ensuite dans l’entreprise. «Mieux vaut adopter une vision holistique que se limiter aux effets sur le seul étudiant», affirme l’expert. Ce dernier cite un participant actif dans un service technique qui présenta un centre de développement pharma en Chine dans le cadre d’un des travaux d’études, mettant ainsi en pratique le savoir partagé à l’IMD, avant d’être nommé responsable de l’Asie au sein d’un grand groupe pharma.


 

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