Le Secrétariat d’Etat à la formation, la recherche et l’innovation (SEFRI) est toujours plus sollicité à l’étranger en rapport à la formation duale suisse. Jeudi, son secrétaire Mauro Dell’Ambrogio était de passage à Lima (Pérou) pour présenter le modèle d’apprentissage suisse lors d’un sommet de la jeunesse coorganisé par l’Alliance du Pacifique et Nestlé. Il a notamment expliqué devant quelque 1070 personnes que cinq de ses sept fils, «ceux qui gagnent aujourd’hui le mieux leur vie», ont suivi une formation duale. Le Temps l’a rencontré la veille de sa présentation, entre deux avions.

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Le Temps: Qu’est-ce qui explique votre présence à Lima?

Mauro Dell’Ambrogio: J’ai été prié par le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) de venir présenter la formation duale devant les ministres et les jeunes de l’Alliance du Pacifique. Il y a un énorme intérêt pour la formation duale à l’étranger. A Berne, je reçois près de deux délégations par semaine au niveau ministériel ou vice-ministériel.

– Le système est-il exportable dans les pays de l’Alliance du Pacifique?

– Il y a des similitudes dans certaines conditions-cadres comme l’économie de marché. Mais la situation sociale est très différente. Je ne veux pas susciter d’attentes trop élevées. Il est illusoire de croire que l’on va égaliser les chances grâce à la formation duale. Il est difficile de transposer le système suisse.

– Pourquoi?

– Il y a toute une culture à créer, en commençant par identifier une branche d’activité. On ne peut pas obliger les entreprises à engager des apprentis. Il faut leur faire comprendre les avantages qu’elles peuvent en tirer. Cela ne se fait pas du jour au lendemain. C’est, au mieux, l’affaire d’une génération. Il est aussi essentiel d’adapter le système au contexte local. Certains États veulent qu’on leur envoie des experts suisses. Mais que peuvent-ils réellement apporter dans une réalité qu’ils ne connaissent pas? Il est plus logique de recevoir des spécialistes à Berne pour les former.

– Pourquoi alors en faire la promotion à l’étranger?

– Il y a une question de rayonnement de la Suisse, bien sûr. Mais cela permet aussi de promouvoir les intérêts économiques du pays. Certaines entreprises font de la formation duale un argument pour gagner des appuis locaux. Elles ont le savoir-faire et la volonté d’introduire un tel système dans leurs filiales à l’étranger. Il est de notre devoir de les soutenir dans leurs efforts.

– Quelles sont les clés de la réussite du modèle suisse?

– Les entreprises ont compris qu’elles ne doivent pas se reposer sur l’Etat pour leur fournir des employés qualifiés. Cette résistance à «l’esprit jacobin» nous a permis d’éviter la désindustrialisation du pays. Le système suisse fonctionne parce qu’il repose sur trois piliers: l’économie, l’Etat et l’enseignement supérieur. Il ne faut pas se leurrer: l’un des avantages pour les privés est d’avoir accès à une main-d’œuvre meilleur marché. Pour le monde académique, le fait d’avoir une bonne formation professionnelle permet d’éviter que 40 à 50% de la population finisse dans les universités.

– Et au niveau pédagogique?

– Pour les apprentis, c’est la garantie que l’enseignement sera plus concret, plus proche de la réalité économique. La formation duale permet d’éviter de retirer un professionnel du marché pour en faire un enseignant à plein-temps. Mais ce n’est pas évident à concrétiser. Un Etat était, par exemple, très intéressé par notre système mais, quand ses représentants ont compris qu’une réforme des écoles professionnelles signifiait de licencier la plupart des enseignants, nous n’avons brusquement plus eu de nouvelles.