En cette douce soirée du 25 mai, nous n’assistons pas à l’exposé d’un expert en leadership d’une business school prestigieuse. Mieux que cela, c’est comme si un condensé de tout ce qui est développé dans ces institutions nous était donné en cadeau.

Lorsque nous – la promotion 2018 du Swiss Board School – avons répondu présent à l’aimable invitation d’Antonio Racciatti, directeur des ressources humaines du CHUV, pour participer à une soirée spéciale «management bienveillant», nous n’avions que peu d’idées sur ce qui nous attendait.

La maîtrise du geste ne suffit pas, il faut avoir une stratégie

René Prêtre, chef du Service de chirurgie cardio-vasculaire du CHUV

Pas de présentation indigeste quant à la philosophie du CHUV en matière de «considération», notre hôte a choisi l’exemplarité. Confortablement installés dans la salle de conférences au 20e étage, nous – les avocats, banquiers, businessmen, chefs d’entreprise, consultants, membres de conseils d’administration – n’en menons pas large face à notre interlocuteur.

La petite soixantaine, svelte, en blouse blanche, les cheveux plutôt poivre que sel, les yeux pétillants, le professeur René Prêtre (chirurgien cardiaque pédiatrique, trente ans de métier, 6000 enfants opérés) s’avance tranquillement et prend la parole. Aussitôt nous faisons silence. Avec simplicité et calme, il partage volontiers les éléments de sa réussite: «La maîtrise du geste ne suffit pas, il faut avoir une stratégie»; s’attarde sur l’équilibre entre technicité et gestion des émotions (de l’indifférence à la paralysie), revient sur ses années de formation dans un service d’urgences à New York (le temps manquait pour faire les examens, il fallait «ouvrir»).

Importance du travail d'équipe

De cette période intense, il retient la formule choc de son patron: «Pour atteindre l’excellence, il faut opérer dix heures par jour pendant dix ans.» Ce dernier lui a aussi transmis une bonne pratique (inspirée des neurosciences) pour créer des réflexes: celle de consigner tout ce qui s’est passé pendant une opération dans un cook book.

Le professeur ne résiste pas au plaisir de lancer la vidéo d’une de ses dernières opérations. Nous retenons notre souffle. Il souligne l’importance du travail d’équipe: «Chacun connaît sa partition, je suis là pour donner le rythme.» La rencontre avec les parents et l’enfant est primordiale: «J’ai besoin d’avoir une image derrière un cœur.» Il évoque tour à tour le respect, la confiance, la complémentarité, l’écoute, la communication instinctive, l’implication, la concentration, l’esprit critique, la prise de risques…

Analyse de l'échec

Finalement que des «basics», transposables à toute situation de leadership. Mais lorsqu’il analyse l’échec, son œil devient humide, l’homme prend le pas sur le technicien. Son vocabulaire change: invincibilité, peur, solidarité, soutien, humilité, compassion. Sa plus grande crainte? La routine! Etre trop sûr de sa pratique, perdre de vue la check-list.

Le professeur René Prêtre est passionné, lumineux. Il s’étonne presque d’avoir une telle forme et toujours autant de bonheur à opérer. Nous ne sommes pas étonnés. Il est in the flow, parfaitement aligné sur sa mission.