L’étau se resserre sur les employés fumeurs
pauses
Certaines entreprises, comme Teleperformance, décident quand le salarié peut quitter sa place
Basta les cigarettes au travail! Si l’initiative sur la fumée passive est acceptée le 23 septembre, les bureaux individuels et les voitures de fonction pourraient devenir des zones non-fumeurs, affirme le Conseil fédéral (lire l’encadré). Restent les fumoirs, ces pièces installées dans les locaux de l’entreprise et dans lesquels personne ne travaille. Ces havres de repos pour les accros à la nicotine seraient épargnés par ce tour de vis législatif. «Tant que cette pièce ne sert qu’à fumer, personne n’y est exposé contre son gré», estiment les initiants.
Dans les faits, le projet de loi se montre moins restrictif que les entreprises: les fumoirs ont disparu de la majorité des lieux de travail, note Doris Bianchi, de l’Union syndicale suisse (USS). Si aucun chiffre précis n’existe en Suisse, l’Office français de prévention du tabagisme (OFT) a conclu que seuls 3% des employeurs proposaient une pièce spéciale pour les fumeurs. «Le coût des locaux est trop important», pour les PME, et les normes de ventilation les rendent difficiles à entretenir, explique Grégoire Vittoz, de la Ligue pulmonaire vaudoise. Quant aux multinationales, elles ont totalement banni la cigarette de leurs bâtiments, ajoute-t-il.
Il ne s’agit pas seulement d’une question de santé. Chez Cisco, par exemple, les employés sont tenus de sortir dans un jardin de côté, invisible aux yeux des visiteurs. «Ce n’est pas joli devant l’entrée», explique la direction de l’entreprise, sise à Rolle. Une crainte partagée par d’autres patrons, comme le directeur du Service public de Wallonie en Belgique, qui expliquait, dans une lettre destinée à ses cadres et publiée dans Le Soir: «La présence fréquente d’agents fumant dans la rue devant les bureaux n’est pas de nature à donner une image positive de notre administration. En conséquence, les agents concernés devront dorénavant fumer dans les cours intérieures des bâtiments ou espace de parking hors de la vue des passants. Il leur est également demandé d’être discrets pendant ce temps de pause tabac. Le non-respect de ces dispositions pourrait entraîner la mise en œuvre d’une procédure disciplinaire.»
Quinze minutes de pause
Même cachées, les allées et venues du personnel fumeur ne sont pas du goût de tous les patrons. Selon les estimations du président de l’OFT, Bertrand Dautzenberg: «Ceux qui fument un paquet quotidiennement font huit pauses dans la journée, soit environ 80 minutes d’arrêt.» Or légalement, en Suisse, un employé a droit à deux pauses de 15 minutes dans une journée de huit heures. Certaines entreprises ont donc décidé d’aller plus loin: chez Teleperformance, non loin de Zurich ainsi que dans 49 pays du monde, les employés sont informés, via un logiciel, quand ils ont le droit de prendre leur pause.
Le centre d’appels s’explique: «Notre priorité est d’assurer la continuité de la relation client. C’est la raison pour laquelle il est proposé aux collaborateurs des séquences de pause définies pour quitter leur poste, qu’ils soient fumeurs ou non.» Une règle qui s’applique aussi dans d’autres centres d’appels en Suisse, déplore l’USS.
Employé depuis cinq ans dans l’un de ces centres, Julien témoigne: «Comme il y a surtout des jeunes et qu’il y a eu – paraît-il – des abus, nous ne pouvons pas sortir du bâtiment lors des pauses après 18h. Donc les employés qui travaillent le soir n’ont pas le droit de fumer.»
Autres solutions adoptées par certains employeurs: déduire les pauses cigarettes du temps de travail. Pour l’instant (à notre connaissance), seules des entreprises belges et françaises ont opté pour cette mesure radicale. Ainsi, les employés de La Poste belge ou du Service public fédéral des finances en Belgique doivent pointer quand ils sortent fumer. Dans certaines entreprises françaises – des assurances notamment, – des accords collectifs ont été conclus avec les syndicats: les employés qui fument en dehors des deux pauses légales doivent déduire ces périodes «clopes» de leur temps de travail, explique l’avocat Haïba Ouaissi, qui a participé aux négociations. «Mais ne croyez pas que c’est à l’initiative des patrons. Ce sont les employés non-fumeurs qui ont réclamé ces mesures», précise-t-il .