Ce que la loi sur les hautes écoles va changer
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AbonnéLes établissements qui portent le nom d’«université» ou «haute école» doivent être accrédités avant le 1er janvier par le Conseil suisse. Au-delà de l’appellation, ce label n’a pas le même poids pour toutes les institutions, ni pour tous les programmes

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La loi sur l’encouragement et la coordination des hautes écoles, ou la LEHE, en vigueur en Suisse depuis 2015: son nom ne dit peut-être pas grand-chose au grand public, mais ses applications sont très concrètes. Dont celle de protéger notamment les appellations «université, haute école spécialisée, haute école pédagogique, institut universitaire et institut de niveau haute école spécialisée», qui ne l’étaient pas jusque-là. Une réalité surprenante.
Désormais, pour pouvoir utiliser ces noms, il faut obtenir une décision positive du Conseil suisse d’accréditation. Les universités publiques romandes sont toutes passées par cette démarche et ont obtenu le précieux sésame, valable pour sept ans. Ce qui n’est pas le cas de toutes les écoles privées qui portent le nom «université» ou «university». Un délai est accordé aux institutions désignées ainsi sans accréditation… jusqu’au 31 décembre 2022.
Des sanctions en cas d’usage non autorisé
A Genève, l’University of Business and International Studies Geneva (UBIS), la Webster University Geneva, l’International University in Geneva, ou encore la Swiss UMEF University ne sont pas encore accréditées, comme le révélait la RTS cet été. Mais la majorité sont candidates à la procédure.
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«Nos programmes sont accrédités selon l’agence d’accréditation américaine IACBE, a réagi l’UBIS. Nous sommes dans le processus de candidature.» L’école estime donc n’avoir «pas de raison de croire qu’un changement de nom sera nécessaire». Et pour elle, suivre ce procédé, au-delà de l’utilisation du terme «université», «fournit des lignes directrices solides pour le fonctionnement d’une entité éducative de qualité». La Swiss UMEF nous a également confirmé être en cours de processus. La Webster University Geneva et l’International University in Geneva n’ont pas répondu à nos sollicitations.
La question du nom demeure importante: à partir de 2023, les institutions qui utiliseraient ces dénominations sans être accréditées «s’exposent à des sanctions financières qui peuvent aller jusqu’à 200 000 francs maximum», détaille Bastien Brodard, secrétaire du Conseil suisse d’accréditation.
Au-delà de la protection d’une appellation, ce système d’accréditation «va dans le sens d’une réglementation plus importante du marché des écoles privées, un mouvement qui s’est accéléré ces dernières années», note Astrid Epiney, rectrice de l’Université de Fribourg, professeure de droit et vice-présidente de Swissuniversities, la faîtière des recteurs des universités et des hautes écoles suisses.
Pas un signe de mauvaise qualité
Mais alors, ne pas être accrédité selon la LEHE est-il pour une école le signe de mauvaise qualité? «Non, répond Bastien Brodard. Cette loi vise avant tout les dénominations protégées comme «université», par exemple. Certaines académies ou business schools n’ont pas besoin de cette accréditation et leur nom ne pose aucun problème. Cette accréditation n’est pas non plus nécessaire pour octroyer des bachelors et des masters. Mais elle met sans doute une certaine pression sur les établissements parce qu’elle permet une certaine reconnaissance et devient davantage une norme.»
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Les accréditations sont particulièrement importantes pour les écoles privées en Suisse, souligne aussi Astrid Epiney. «Dans le public, il y a de toute façon beaucoup de contrôles alors que ce qui se passe dans le privé est plus opaque. Savoir que ces établissements ont passé l’accréditation rassure.»
Mais l’accréditation d’une institution – un établissement peut être accrédité et pas ses programmes, mais pas l’inverse – n’est pas une question de qualité en tant que telle. Astrid Epiney poursuit: «L’accréditation d’une institution porte sur le système d’assurance qualité. C’est-à-dire qu’elle doit avoir un processus qui permet d’évaluer régulièrement son enseignement, ses programmes, son administration, etc., que les résultats soient pris en compte et, le cas échéant, suivis de mesures concrètes d’amélioration.»
D’autres labels pour les MBA
Mais cette reconnaissance n’a pas la même importance pour tout le monde. Jusque-là, l’IMD, par exemple, n’était pas accrédité selon la LEHE. Cet institut de management réputé de Lausanne, qui occupe de très bonnes places dans les classements internationaux pour ses MBA (formations de haut niveau pour les cadres axées sur la gestion), n’en ressentait pas le besoin. Et pour cause: l’accréditation d’un MBA, en tant que programme, selon la LEHE n’existe tout simplement pas et les MBA de l’IMD disposent déjà d’accréditations spécifiques internationales. «D’autres organismes internationaux sont actifs pour les programmes comme les MBA», commente Bastien Brodard.
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Pourtant, l’IMD a décidé il y a quelques années de se faire accréditer comme «institut universitaire» selon la LEHE. La démarche est en cours. «Nous souhaitons ainsi renforcer notre appartenance à l’écosystème romand et nous avons de plus en plus d’étudiants suisses», commente Anne-France Borgeaud Pierazzi, responsable des affaires publiques.
Elle ne voit «que des avantages» à cette nouvelle accréditation. Elle raconte le processus d’évaluation, très exigeant. «C’est une méthodologie assez différente de celle que nous connaissons – basée sur l’assurance qualité –, avec d’abord une grande part d’auto-évaluation à tous les niveaux de l’institution, avant des visites d’experts.»
Un coût
Sur ces années 2021 et 2022, les dossiers de demandes sont particulièrement nombreux à traiter. La démarche prend du temps, précise Bastien Brodard, et a un coût important, différent selon que l’établissement soit public ou privé. Mais il faut compter entre 30 000 et 60 000 francs, plus des coûts internes.
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Un prix qui ne ravit peut-être pas les écoles qui, portant le titre d’«university» ou «université», se voient forcées de se faire accréditer…. ou de changer de nom.