Pour beaucoup de sociétés, le 8 mars est la journée consacrée pour publier une étude sur les inégalités au sommet des entreprises. L’examen, jusqu’ici, s’est souvent limité aux grands groupes, si possible cotés en bourse, et à leurs plus hauts échelons. Rarement des études ont été conduites au cœur du tissu économique suisse. C’est ce qu’a tenté Business-monitor.ch, un site internet qui propose notamment des services d’analyse de données, de veilles économiques et de recherche, aidée de PricewaterhouseCoopers (PwC).

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La société basée à Morges s’est ainsi plongée dans le Registre du commerce de tous les cantons ainsi que d’autres sources pour en tirer une image la plus large possible des représentations homme-femme au pouvoir dans l’économie suisse sur une période de dix ans. Le but? «Provoquer des réflexions et des discussions, de poser des questions, qui, espérons-le, amèneront à de nouvelles solutions», explique l’auteur, Florent Schlaeppi, directeur général de Novertur International, la société qui a créé Business-monitor.ch. «De cette manière, nous espérons contribuer à notre échelle à comprendre pourquoi nous en sommes là et comment arriver là où nous voulons être: à l’égalité complète des chances au travail.»

Nouvelles entreprises moins égalitaires

D’ailleurs, où en est-on? Sur un total de 629 000 entreprises existantes, trois décideurs sur quatre sont des hommes. Par décideur, l’étude entend directeurs, administrateurs, mais aussi tous ceux qui ont un droit de signature et peuvent ainsi engager une entreprise, qu’il s’agisse de sociétés anonymes (SA), de sociétés à responsabilité limitée (SARL) ou de raisons individuelles. A noter que les nouvelles entreprises ne sont pas spécialement progressistes. Les sociétés créées au cours des dix dernières années comptent moins de femmes à des postes à responsabilités que celles créées avant 2008.

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C’est au sein des SA que le plafond de verre est le plus épais. D’après l’étude, seul un directeur général sur six est une directrice et moins d’un président de conseil d’administration sur 11 est une présidente. Ce qui n’empêche pas qu’une progression soit visible: le taux est passé de 20,2 à 25,5% pour les postes exécutifs et de 14,8 à 16,8% pour les membres de conseils d’administration. Dans les SARL, l’équilibre semble meilleur; en réalité, ce n’est pas si simple: «Au cours des dix dernières années, la proportion d’associées a diminué chaque année. En 2008, un associé sur trois était une associée; en 2018, le chiffre est proche d’un sur quatre.»

Aarau meilleur que Fribourg

L’étude de Business Monitor esquisse quelques pistes pour expliquer ces écarts, notamment un contexte culturel où, au travail, on se fait encore l’idée que le responsable doit être un homme. «Cela affecte la nomination de femmes à des postes décisionnels de plusieurs façons», explique Florent Schlaeppi, citant le fait que les compétences et légitimité d’une femme au pouvoir seront plus facilement mises en doute. Or «l’égalité des genres n’est pas seulement une nécessité morale et sociétale. Il existe aussi intérêt économique.» Et de citer plusieurs recherches qui montrent qu’une plus grande diversité dans les lieux de prises de décision amène une plus grande croissance et stabilité et de meilleurs rendements.

L’enquête montre des écarts inattendus entre les régions suisses. Ainsi, une femme a davantage de chances d’être cadre en Argovie (26,3%) qu’à Fribourg (19,6%). La Suisse romande en général est à la traîne avec une proportion de 20,6%, contre 24,5% pour la Suisse alémanique.

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Pas de manque d’ambition

Le vrai changement semble se produire ailleurs: à en croire le nombre de raisons individuelles créées par des femmes, ces dernières se lancent toujours plus dans l’entrepreneuriat. Au total, les dirigeants de ce genre de structure sont dans 24,3% des cas des femmes, soit une hausse de 5% en dix ans. «Ce qui soutient l’idée que ce n’est pas le manque d’ambition, de capacités ou d’esprit d’entreprise qui limite les femmes dans leur carrière. Au contraire, cela montre que c’est plutôt l’état actuel des choses qui résulte de stéréotypes et de biais qui favorisent les hommes chefs», estime Florent Schlaeppi.


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