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Question pratique. Les quotas sont-ils conformes à la Constitution?

Question pratique.

Dans cette même rubrique, Fabienne Blanc-Kühn a récemment commenté la décision de Micheline Calmy-Rey, conseillère fédérale, qui, s'écartant des conclusions d'une commission de sélection de futurs diplomates, a instauré des quotas, en désignant quatre femmes et quatre hommes. Cette discrimination positive est-elle constitutionnellement admissible?

Nous ne connaissons le dossier que par la presse. Il paraît toutefois utile de rappeler que le Tribunal fédéral a eu l'occasion de traiter un problème similaire dans un arrêt du 13 mars 2005. Appliquant un système de quotas prévu par un programme fédéral d'aide à la relève, l'Université de Fribourg avait ouvert une procédure de nomination en excluant d'emblée les candidatures masculines.

Selon la jurisprudence, la loi fédérale sur l'égalité entre femmes et hommes ne suffit pas à légitimer une telle discrimination positive: il faut une base légale formelle spécifique, c'est-à-dire une loi votée à cet effet par les Chambres. Agir autrement reviendrait à violer le principe de la séparation des pouvoirs. Comme elle ne reposait pas sur une telle base légale formelle, la décision fribourgeoise était inconstitutionnelle.

Qu'en est-il de la promotion des diplomates? La loi sur le personnel de la Confédération ne prévoit pas expressément l'instauration de quotas. La base légale semble donc faire défaut. Certes, une ordonnance autorise les départements à fixer des quotas, mais seulement dans le cadre des directives du Conseil fédéral. Or, les instructions du gouvernement paraissent autoriser seulement les quotas flexibles, applicables à qualifications équivalentes, mais non pas les quotas fixes. Ce sont pourtant des quotas fixes qu'a mis en œuvre Micheline Calmy-Rey (4+ 4), sans contester (ou pouvoir contester) l'appréciation des qualifications par la commission de recrutement. Dans ces conditions, on est fondé à douter que sa décision, vu l'absence de base légale formelle, soit conforme à la Constitution.

De l'affaire fribourgeoise, on peut tirer un second enseignement. Selon le Tribunal fédéral, s'agissant de postes élevés et spécialisés, les mesures de discrimination positive doivent respecter le principe de la proportionnalité, c'est-à-dire, en particulier, prendre suffisamment en compte tous les intérêts en cause, notamment les exigences de l'emploi à pourvoir. A cet égard, les qualifications des candidats jouent un rôle extrêmement important. C'est la raison pour laquelle, selon la jurisprudence, «des règles de quotas fixes apparaissent difficilement admissibles».

Certes, Micheline Calmy-Rey n'a pas écarté tous les hommes candidats à la carrière diplomatique. Elle a seulement écarté plusieurs d'entre eux, qui avaient pourtant été jugés plus qualifiés que des femmes concurrentes par une commission dont les capacités n'ont pas été mises en doute. S'agissant de fonctions aussi difficiles et visibles, il n'est pas certain que la politique quantitative voulue par Micheline Calmy-Rey l'emporte sur les exigences qualitatives retenues par le Tribunal fédéral. Seule une étude approfondie de chaque dossier permettrait de le dire. Or, précisément, l'instauration de quotas fixes vise à éluder une appréciation nuancée.

La méfiance des juridictions constitutionnelles envers les quotas fixes n'est pas une spécialité suisse. La Cour suprême des Etats-Unis et la Cour de justice des Communautés européennes se montrent de plus en plus restrictives.