Régulièrement, les entreprises – et elles sont de plus en plus nombreuses à le faire – accueillent des étudiants pour des travaux appliqués, qu’ils réalisent durant leurs études. Lorsqu’on leur demande ce qu’elles en retirent, les entreprises invoquent d’abord leur sentiment d’avoir rempli leur responsabilité sociale.

Du point de vue de la collectivité, une telle implication est réjouissante. Du point de vue des Hautes Ecoles, c’est un camouflet. Cela signifie concrètement qu’un jeune, éduqué à grands frais sur les fonds du contribuable et issu de la génération la plus formée de tous les temps, à la fin de son parcours académique, n’apporte par son analyse rien d’autre à l’entreprise que le sentiment d’avoir accompli son devoir envers la société?

Des milliers d’heures dans des salles de classe, pour obtenir, sur le terrain, un satisfecit, avec une petite tape d’encouragement sur l’épaule? A bien y regarder cela représente un impossible gâchis. Alors quoi? Est-ce le fait de la nouvelle génération, à ce point insensible au sens collectif de l’entreprise, qu’elle n’en est plus capable que de produire des réflexions nombrilistes et des analyses superficielles? Est-ce que l’entreprise, inapte à percevoir l’étudiant autrement que comme un mini-moi, ne sait plus comment l’«utiliser» autrement qu’en lui proposant des problématiques inadéquates, pour lesquelles il ne peut qu’être décevant?

Sont-ce les Hautes Ecoles, qui, à force d’abreuver les étudiants de théories déconnectées et Tournesolesques, les privent de tout sens critique et – plus grave – de tout sens pratique? Ce qui est sûr, c’est que si l’on se refuse à se limiter au constat selon lequel, lorsque l’on met un étudiant sur le terrain, il produit essentiellement de la responsabilité sociale, des solutions existent. Elles sont riches en possibilités et sont pour l’instant réservées à un public averti. Elles supposent en tout cas un profond dialogue, un rapprochement entre entreprises et Hautes Ecoles, sur la base d’une confiance qu’elles ont parfois encore de la peine à s’accorder.