Télétravail
Le coronavirus force un très grand nombre d’employés à travailler à domicile. Mais comment garder sa motivation et son sentiment d’appartenance à une équipe quand on ne sait pas quand on pourra revoir ses collègues?

Se raconter son week-end à la cafétéria. Taper sur l’épaule d’un collègue pour une question, une remarque ou un simple bonjour. Débriefer à 20 autour d’une table: des petits moments du quotidien d’un bureau qui n’existent plus en ces temps de télétravail contraints par le coronavirus.
Un grand nombre d’employés pratiquent désormais le travail à domicile. L’aspect technique de ce changement inquiète, mais l’aspect humain aussi. Comment garder une équipe unie et motivée alors qu’elle ne se voit plus?
«Comme on le ferait autour de la machine à café»
Certaines entreprises s’avèrent moins préoccupées que d’autres. Pour Ecodev, agence web et services informatiques, le télétravail est déjà une habitude. Si l’entreprise est basée à Neuchâtel, ses sept collaborateurs pratiquent depuis plus de dix ans le télétravail depuis cette ville, mais aussi depuis Lausanne, Prague, ou encore l’Indonésie. Pour Mark Haltmeier, gérant d’Ecodev, la clé reste l’humain, même à distance: «Nous maintenons des liens réguliers assez forts, nous ne faisons pas que communiquer des informations liées au travail. Les échanges personnels sont mêlés à des discussions plus techniques, comme on le ferait autour de la machine à café.» Surtout en cette période, estime Mark Haltmeier, «il faut montrer qu’on tient aux autres, pas juste s’assurer du rendement sur le plan professionnel».
Dans les multinationales, on s’efforce aussi d’entretenir les liens. Chez Firmenich, nombre de collaborateurs travaillent désormais de la maison et les cadres sont encouragés à garder un contact quotidien avec leurs équipes. «Nous maintenons aussi un flux constant de communications sur notre intranet dans lequel sont très investis nos responsables, afin d’éviter que quiconque ne se sente isolé ou déconnecté, rapporte François Rohrbach, directeur du site de Genève. Notre directeur général réunit les responsables de sites locaux une fois par semaine sur Skype et publie régulièrement des messages vidéo.»
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Le contact doit être fréquent, mais aussi de qualité. «Il ne faut pas se contenter de donner des consignes par écrit et se soucier uniquement de l’organisation logistique», prévient Birgit Peeters, spécialiste du télétravail et fondatrice de Goodvibes, société suisse qui aide notamment les entreprises à stimuler l’engagement des collaborateurs. «Il faut prendre le temps de voir comment cette organisation est vécue par chacun.» Léa Guillaumot, coach de carrières en Suisse romande, abonde dans ce sens: «Le téléphone ou la vidéoconférence, en plus de l’écrit, permettent de sentir d’éventuelles tensions ou du stress liés à la situation.»
Mais en cette période à durée indéterminée, le personnel et le professionnel seront nécessairement davantage mélangés. «Beaucoup doivent garder leurs enfants et en parlent, et se montrent en réunion virtuelle avec eux. Ça rapproche, on se connaît mieux», estime Léa Guillaumot. Pour la coach, autant l’accepter et en profiter pour resserrer les liens. Les messages entre collègues gagnent donc à être plus informels, en y incluant par exemple des petites vidéos amusantes ou des citations inspirantes.
Faut-il aller plus loin, en organisant des cafés ou même des apéritifs virtuels? Chez l’assurance La Mobilière, dont environ 5000 employés travaillent désormais à domicile, on estime que oui: «Le contact et la communication fixes renforcent l’équipe. Il peut s’agir de rendez-vous virtuels convenus comme d’un café, d’un échange sur l’expérience du travail à domicile ou d’un coaching mutuel», rapporte Nathalie Bourquenoud, responsable des ressources humaines pour La Mobilière. «Certaines de nos filiales programment tous les jours une pause-café à 11h et à 15h», raconte aussi François Rohrbach, directeur du site de Genève de Firmenich.
Poser la question aux collaborateurs
Des apéritifs et des cafés en ligne, peut-être, mais pas pour toutes les entreprises, estime Birgit Peeters. «Si ce sont des moments qu’on ne partage pas au bureau, ils peuvent paraître peu authentiques en télétravail. Mais ce nouveau contexte est aussi une occasion pour les cadres d’être créatifs. Le mieux est donc de demander à l’équipe: «Qu’est-ce qui vous ferait plaisir pour maintenir une cohésion?» Poser des questions aide de façon plus générale à conserver la motivation des équipes. «Demander aux équipes comment elles envisagent de pouvoir faire leur travail leur permet de s’approprier ce nouveau cadre», estime Léa Guillaumot.
Et en ces temps troublés, l’objectif est aussi de créer une nouvelle routine dans laquelle les collaborateurs se sentent confortables. Comment? En envoyant un message de la même teneur tous les matins par exemple, propose la coach. «Pour garder sa motivation, il faut une très bonne auto-organisation, complète Nathalie Bourquenoud de La Mobilière. Quand le travail commence-t-il, quand se termine-t-il, quand prenez-vous des pauses? Il peut être utile de planifier sa journée comme si vous travailliez au bureau.»
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Admettre le flou
Echanges virtuels personnels et professionnels, nouveau cadre, nouvelle routine: pour coordonner tous ces bouleversements, le rôle du ou de la manager est plus important que jamais. «Il doit être exemplaire: donner des directives claires aux équipes, les soutenir et leur permettre d’être autonomes. Mais aussi respecter les règles sanitaires et ne pas paniquer», expose Léa Guillaumot.
Pour maintenir la confiance et l’engagement, un cadre ne doit pas non plus craindre d’admettre un certain flou, croit la coach. «Face à une question d’un collaborateur dont la réponse est incertaine, mieux vaut dire qu’il s’agit d’une transition et qu’on ne sait pas encore plutôt que de donner des demi, voire des fausses réponses.»
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