Il importe de se souvenir que les deux grandeurs fondamentales qui influencent la hauteur du taux de conversion relèvent de données objectives: l’espérance de vie est l’une d’elles. Elle a progressé avec le temps de 25% environ pour les hommes et de plus de 15% pour les femmes, entre 1991 et 2016.
Les obligations suisses à 0%
Le second paramètre est l’intérêt à dégager, ou promesse d’intérêt à verser au moment de la retraite. Alors que, il y a vingt-cinq ans, les obligations de la Confédération à dix ans permettaient d’obtenir sans risque un intérêt de 5%, un rendement sans risque est aujourd’hui pratiquement impossible à réaliser. En effet, celui des obligations de la Confédération à dix ans tourne actuellement autour de zéro pour cent. Nous ne nous attarderons pas ici sur l’évolution de l’espérance de vie, partant du principe qu’elle va continuer d’augmenter comme elle l’a fait jusqu’ici.
Il est particulièrement important de comprendre que le taux de conversion réglementaire défini par le conseil de fondation influe sur la future tolérance au risque de la caisse de pension. C’est le cas notamment parce que les rentes articulées à un moment donné ne peuvent plus être réduites. Seules certaines augmentations de rentes volontaires ont pu être abaissées temporairement aux fins d’assainissement.
Rentes nouvelles moins élevées
C’est pourquoi les taux de conversion réglementaires pratiqués à l’heure actuelle déterminent les rentes des nouveaux retraités jusqu’à la fin de leur vie (à savoir pour vingt à vingt-cinq ans en moyenne). Ils définissent par là même un intérêt implicite à obtenir sur les capitaux des rentiers. Un taux de conversion de 6% correspond ainsi, par exemple, à une promesse de quelque 3,5% par an. Or pour atteindre un rendement de cet ordre dans le présent contexte de taux bas implique déjà de placer une part significative des capitaux dans des investissements à risque. Par conséquent, une institution de prévoyance typique devra consacrer une forte proportion du rendement obtenu pour maintenir le niveau des prestations servies aux rentiers actuels, ce qui se traduit par des rentes nouvelles moins élevées.
Si les taux de conversion étaient adaptés à la hausse dans la même mesure que les taux d’intérêt, le produit (supposé) des rentes supérieures serait déjà garanti aux nouveaux rentiers pour une bonne vingtaine d’années à venir. Mais il s’agit d’empêcher cette évolution. En période de hausse des intérêts, il vaut bien mieux aligner la promesse d’intérêt sur les rendements des obligations. Dès lors, on doit s’attendre à ce que les taux de conversion actuels augmentent très peu, même si les taux d’intérêt repartent à la hausse.
Assainir les caisses de pension
Une autre possibilité consisterait à augmenter le cas échéant les rentes – éventuellement peu après le début du versement de celles-ci. Elles pourraient alors également servir à assainir les caisses de pension. Les plus prudents renonceront à augmenter durablement les rentes. Dans ce cas de figure, on pourra envisager de faire bénéficier les rentiers de versements ponctuels. Mais ces derniers n’auraient lieu que lorsque la situation de la caisse le permet, sans que cela donne lieu à des engagements à long terme. Seuls seraient prévus des versements directs en espèces.
Les points évoqués pourraient par exemple prendre la forme d’une rente variable, qui ne serait versée que lorsque certains critères seraient remplis. Il pourrait s’agir d’un rendement adéquat des placements au cours de l’année écoulée, ou d’un niveau donné du taux de couverture.
L’essentiel dans ce cas est la réflexion selon laquelle cette distribution doit suivre des critères objectifs. Pour s’en assurer, il y a lieu de procéder à une analyse des solidarités consenties. Alors seulement, les distributions correspondantes pourront être versées. Il s’agit d’éviter que la caisse prenne des engagements à long terme supplémentaires, lesquels deviendraient une hypothèque sérieuse si la situation économique venait à se dégrader à nouveau.