Les employeurs engagent peu de plus de 50 ans
Car le problème est là. Le monde du travail ne veut plus vraiment de ses seniors. Certains employés évoquent même le mot de discrimination à leur encontre. Même si on leur reconnaît une grande expérience, une bonne fiabilité et une forte loyauté vis-à-vis de l’entreprise, les employeurs ne sont pas enclins à engager des plus de 50 ans. C’est un fait. Ils coûtent plus cher en termes de charges sociales. Certains leur reprochent parfois un manque de flexibilité, une certaine lenteur, un manque de créativité ou une mauvaise intégration dans une équipe plus jeune. Le plus gros handicap des aînés sur le marché du travail serait aussi lié à un niveau de qualification trop souvent insuffisant par rapport aux besoins nouveaux d’une économie qui se numérise toujours plus.
Aujourd’hui, malgré les progrès de la médecine et un monde du travail où l’endurance physique ne joue plus qu’un rôle marginal, les seniors n’ont jamais été considérés comme aussi «vieux» en entreprise. Dans certains secteurs, la barre est même franchie dès 45 ans.
«Nous sommes mis de côté», affirme un ancien cadre dans une banque privée qui a reçu son congé il y a dix-huit mois lors d’une restructuration dans un département de son établissement. Il avait alors 52 ans. «J’ai suivi des cours proposés par le chômage, j’ai été soutenu par un coach, j’ai actionné mon réseau réel et virtuel, j’essaie de décrocher des entretiens d’embauche mais je ne reçois que des refus. A chaque fois, on m’écrit que d’autres personnes correspondent davantage au profil recherché.»
De plus en plus de seniors à l'aide sociale
Ce type de témoignage n’est pas unique et reflète une réalité grandissante en Suisse. Même si les seniors demeurent moins souvent touchés par le chômage (3,8% en 2017) que la moyenne helvétique (4,8%), une fois qu’ils y sont, ils ont de la peine à s’en sortir. Quand une personne de plus de 50 ans perd son travail, il lui est plus difficile de retrouver un nouvel emploi. La preuve: 57% des chômeurs de la tranche 55-64 ans sont des chômeurs de longue durée (de plus d’une année). Cette proportion chute à 46% chez les 40-54 ans et à 33% chez les 25-39 ans.
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Phénomène encore plus inquiétant: le basculement à l’aide sociale. Entre 2010 et 2016, le nombre de bénéficiaires âgés de 55 à 64 ans a augmenté de plus de 50%. L’évolution démographique n’explique qu’en partie cette croissance. Entre 2010 et 2016, la proportion des 55-64 ans dans la population totale a augmenté de 11,6%. Or, le nombre de personnes de cette tranche d’âge au bénéfice de l’aide sociale a augmenté de 20 011 à 30 110 (+50,5%). Et une fois à l’aide sociale, seule une personne sur sept retrouvera un travail fixe.
Aujourd’hui, un quart de la population active a plus de 50 ans. D’ici à 2020, cette proportion passera à un bon tiers. En partant à la retraite, les baby-boomers laisseront un vide qu’il sera difficile à remplacer vu la faiblesse du taux de natalité et la préférence indigène qui entrera en vigueur le premier juillet prochain. Quant aux cotisations à l’AVS, celles-ci continueront de plonger.
La semaine dernière, trois associations ont lancé la pétition «Pas de fin de droits pour les chômeurs de 55 ans et plus». Sans aller jusque-là, c’est un changement d’état d’esprit qui doit opérer. L’employabilité des seniors doit être améliorée. Les entreprises devront, bon gré mal gré, se tourner vers les seniors, les engager, les réintégrer et mieux les former aux besoins en vigueur.