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Rendre le message ludique et drôle
Avec ce livre, Benoît Aubert et Benoît Meyronin sont sortis de leurs sentiers battus. Le premier est directeur de l’école française ICD International Business School et le second professeur à l’Ecole de Management de Grenoble mais aussi entrepreneur puisqu’il a cofondé l’Académie du Service, un cabinet de conseil et de formation implanté en France et au Royaume-Uni. C’est la première fois que les deux auteurs traitent des séries télévisées.
Leur pari est un succès, puisque, en six mois, le livre s’est arraché à plus de 10 000 exemplaires. Le groupe mondial Randstad en a ainsi commandé plusieurs milliers qu’il a distribués à tous ses collaborateurs. «C’est mon 9e livre et je n’ai jamais eu autant d’écho, explique Benoît Meyronin. Comme professeur, je vois que les élèves lisent moins. Traiter des séries est un moyen de détourner ce problème et de rendre la matière ludique, car vous partez de situations et personnages fictifs, plus ou moins drôles, qui provoquent une réflexion de fond.»
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Des choses à apprendre même de Dr House
A première vue, pourtant, il n’est pas facile de tirer des leçons des séries sélectionnées. En quoi le docteur House est-il un bon leader? Ce misanthrope névrosé qui excelle à soigner les cas les plus désespérés terrorise ses équipes en instaurant un climat de compétition dans son service. Tout, sauf un modèle! Certes, le docteur House n’a aucune empathie. Mais il revendique le droit à l’erreur, en acceptant celles de ses collaborateurs et en avouant régulièrement qu’il s’est lui-même trompé sur un diagnostic, expliquent les spécialistes. Il autorise aussi la contestation et pousse ses collaborateurs à se montrer critiques jusqu’à ce que le problème soit résolu.
Tony Soprano, lui, est un affreux personnage. Mais la série culte permet d’aborder la question des sentiments: le manager doit-il partager ses doutes et ses tristesses? Lorsqu’on dirige une équipe, doit-on cultiver les non-dits? Dans ce cas, Les Soprano est une démonstration parfaite de toutes les erreurs à ne pas commettre. Les conclusions des auteurs sont très claires: la série montre qu’un manager doit être au clair sur ses forces et ses faiblesses, installer un processus décisionnel clair, partager les informations et rechercher des compétences extérieures à son organisation afin d’acquérir un regard neuf sur la marche des affaires.
«Le management à la papa, c'est fini»
«La plupart des héros de série que nous avons choisis sont à première vue des contre-exemples, relève Benoît Meyronin. Ce sont des types contestables, ambivalents, voire des truands comme Pablo Escobar, présenté dans Narcos. Mais ce décalage est important pour faire bouger les gens. D’abord, ça fait rire, on se projette mieux dans la situation. Et puis on comprend mieux des choses.» Le mafieux colombien manie comme personne l’information stratégique. Quant à Walter White, ce père de famille qui se lance dans le trafic de drogue dans Breaking Bad, il manie sa start-up avec agilité, livre ses produits le plus vite possible, se développe rapidement et veille à rester toujours attentif aux besoins du marché.
Cynique? D’autres héros sélectionnés dans le livre sont plus positifs, comme MacGyver ou Sherlock, qui a compris qu’il fallait prendre des risques pour innover. La seule femme au sommaire, Birgitte Nyborg de la série danoise Borgen, est un leader respecté car elle se montre authentique. «Elle nous montre que le management à la papa, c’est fini, explique Benoît Meyronin. Un influenceur est quelqu’un qu’on suit non pas parce que c’est le chef, mais parce qu’il nous inspire.» Et les séries francophones, pourquoi ne font-elles pas partie du tableau? «J’avoue, il n’y en a pas, confesse cet expert. C’est frappant comme les séries étrangères aiment croquer le monde de l’entreprise, alors que du côté de chez nous, c’est plus compliqué.» Le Français pense déjà à un deuxième tome. Peut-on lui suggérer Quartier des banques?