Trois minutes. Cinq, peut-être. C’est le temps que vous avez à disposition pour convaincre votre responsable que votre présentation est la meilleure, que votre budget est raisonnable, ou que votre nouvelle recrue est indispensable, au choix. Ce n’est pas le moment de bafouiller, d’hésiter ou de se gratter le nez. Votre argumentaire, ou «pitch», comme disent les anglophones, doit être réussi. Dans un monde du travail où tout se passe de plus en plus vite, il faut savoir séduire efficacement, afin d’aider vos chefs à prendre la meilleure décision.

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Parfois, il s’agit de «pitcher» son projet face à un auditoire large, en salle de réunion. A d’autres moments, il faudra croiser le patron dans un couloir ou un ascenseur, afin d’obtenir son assentiment au débotté. Rares sont les personnes spontanément à l’aise dans ce type d’exercice. Il n’y a pas de miracle: pour convaincre, il faut avant tout s’entraîner. «Convaincre, cela s’apprend», écrit Charles Senard dans son ouvrage Convaincre! Grâce aux secrets des grands maîtres, qui se base sur les techniques d’Aristote, Quintilien ou Steve Jobs.

Un pitch doit suivre trois caps, nous explique-t-il. Il faut capter, captiver, puis capturer

Eric Salomon, fondateur de Time To Pitch

Eric Salomon est le fondateur de Time To Pitch, une agence de communication basée à Paris. Il prépare près de 500 pitches par an, aussi bien pour des start-up que pour de grandes entreprises et a publié récemment l’ouvrage La Méthode winning-pitch. «Un pitch doit suivre trois caps, nous explique-t-il. Il faut capter, captiver, puis capturer. On capte son interlocuteur en se référant à un problème qu’il se pose. On le captive en lui indiquant la solution à son problème. Et on le capture en lui précisant quelle est la prochaine étape. Si vous suivez ce chemin, vous n’allez rien lui vendre, c’est lui qui va acheter!»

Une fois cette structure posée, il y a six règles simples avec lesquelles se familiariser.

■ Ne pas oublier de sourire. Cela peut sembler bête, mais les gestes et la posture sont les premières choses qui influencent nos interlocuteurs. La conviction est contagieuse. Malgré le stress, l’idée est de réussir à se montrer ouvert et enthousiaste. Respirez posément, décroisez les bras. Restez debout, déplacez-vous dans l’espace sans vous agiter pour autant. Si vous ne voyez pas ce que cela peut donner, inspirez-vous des vidéos des conférences TED. Pour finir, n’oubliez pas de regarder autant que possible vos interlocuteurs dans les yeux, car c’est à eux que vous vous adressez.

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■ Soigner son «teasing», son accroche. Tous les professionnels de la communication le savent: pour éveiller la curiosité de son interlocuteur au début de sa présentation, il faut d’abord se mettre à sa place, c’est-à-dire partir de sa problématique. «Comme tu me disais hier, Jean-Louis, la campagne est en retard… Je vais te proposer une solution pour accélérer la cadence.» Ainsi, vous allez droit au but.

■ Faites marcher votre imagination. La plupart des méthodes pour apprendre à réussir un pitch l’affirment: lors de votre argumentaire, il ne faut pas hésiter à humaniser votre propos. Car une histoire est plus émouvante qu’une idée abstraite. Le «story telling» est un art. Sans en faire trop, vous pouvez utiliser un souvenir personnel pour évoquer l’un de vos atouts dans ce dossier. Si aucun ne vous vient, l’emploi d’une analogie ou d’une métaphore est également possible. Dans tous les cas, faire appel au registre des émotions et des sens est plus parlant qu’une simple description. Plutôt que de proposer d’organiser une conférence, par exemple, mentionnez qu’il s’agit d’une rencontre importante entre les spécialistes et le public, qui pourront se voir, se parler, prendre contact, et ainsi ressentir plus fortement l’impact de l’innovation.

Si vous avez trois arguments, dites que vous allez développer trois arguments, afin que le plan soit clair dans l’esprit de votre public

■ Parler simplement. Pas besoin d’être alambiqué: vos phrases doivent être courtes, vos mots simples. Une idée à la fois, et il faut éviter les parenthèses, qui dispersent l’attention. Si vous avez trois arguments, dites que vous allez développer trois arguments, afin que le plan soit clair dans l’esprit de votre public. Précisez bien qui fait quoi, évitez les formules vagues du type «comme tout le monde le sait». Utilisez un chiffre pour appuyer votre idée, mais il doit être éclairant et bien sourcé. Soignez vos transitions avec des petits mots comme «deuxièmement», «par contre», etc.

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■ Impliquer son interlocuteur. «Nous n’avons jamais raison tout seul, explique Eric Salomon. Communiquer veut dire savoir mettre en commun. Si le projet existe, c’est qu’il est un poids d’équilibre entre les deux personnes. Avec un pitch, vous n’imposez pas une décision.» Ainsi, il ne faut pas hésiter à dire, tout en parlant, «tu me diras ce que tu en penses», «comme tu l’as dit l’autre jour…».

■ S’attendre aux objections. Il existe des objections fondées, et d’autres infondées. Il vaut mieux s’y attendre afin de réagir de la bonne manière. Plusieurs réactions sont possibles. La technique du «justement» est assez efficace. Face à une critique de type «c’est trop cher», vous répondez «justement, j’ai prévu une réduction de coût». Autre technique, celle de la question en retour: «10 francs par jour, c’est vraiment trop cher, vous trouvez?»

Des astuces à la portée de tout le monde, qui transforment le pitch en un jeu d’enfants. Ces ouvrages proposent d’ailleurs des petits exercices simples aux lecteurs pour les préparer à l’art du pitch, quel que soit leur domaine d’activité.


Pour approfondir:

«Petit Cahier d’exercices pour convaincre facilement et dans toutes les situations», Alexandre Borie, Nicolas Dugay et Davy Lefèvre, Jouvence Editions