La Suisse est parmi les plus mal notées en matière de santé au travail
stress
Une étude européenne pointe du doigt le surmenage des salariés helvétiques. La prévention des troubles psychosociaux fait surtout défaut au sein des PME

La Suisse est parmi les plus mal notées en matière de santé au travail
Stress Une étude européenne pointe du doigt le surmenage des salariés helvétiques
La prévention des troubles psychosociaux fait surtout défaut au sein des PME
Depuis deux ans, l’Institut universitaire romand de santé au travail (IST) est débordé. Face à cette forte demande de consultation pour la souffrance au travail, il a été contraint d’ouvrir une permanence dans ses bureaux à Lausanne. «Nous sommes surchargés. Notre agenda est complet jusqu’à la fin de janvier», résume la directrice de l’entité romande Brigitta Danuser.
Pour étayer cette réalité de terrain, la professeure présente, ce vendredi à Lausanne lors du deuxième jour du Salon Planète santé*, la dernière Enquête européenne des entreprises sur les risques nouveaux et émergents (Esener). Réalisé entre 2010 et 2014, le document couvre 29 pays d’Europe plus la Norvège et la Suisse. Ses conclusions sont sans appel: plus l’entreprise est petite, moins elle prend en compte les risques psychosociaux.
Ces risques contemporains (burn-out, stress, violence, harcèlement, etc.) sont par ailleurs perçus comme plus difficiles à prendre en charge que les dangers traditionnels (accidents du travail, pollution, bruit…). «Jusque dans les années nonante, je pensais que la Suisse resterait une exception en Europe. Mais nous avons beaucoup de petites entreprises, dont l’éthique et la morale ont longtemps porté l’économie helvétique. Ce modèle ancien montre peut-être ses limites dans un système mondialisé», reconnaît la directrice de l’IST.
D’après elle, les entreprises suisses protègent «très mal» leurs employés contre de tels écueils, tels le surmenage, le stress, la dépression, les violences ou le harcèlement au bureau. Pour preuve: parmi les 31 pays sondés dans le cadre de l’étude européenne, la Suisse pointe dans le dernier quart du tableau pour la prise en charge des risques en santé et sécurité au travail.
Analyse des risques, suivi des indicateurs (absences, arrêts du travail), visites de l’inspectorat du travail ou sensibilisation auprès des employés: à chaque fois, les entreprises suisses se sentent peu concernées. «On fait l’aveugle sur les questions du stress au travail, commente la professeure. C’est le syndrome du secret bancaire: on se tait en pensant que ça va passer. Mais c’est faux: ce problème de santé publique (le surmenage) touche maintenant entre 20 et 30% des salariés en Suisse. Les entreprises doivent se réveiller!»
Les troubles psychosociaux (dépression, mal-être, burn-out…) représentent aujourd’hui la première pathologie au travail en Suisse romande, devant le mal de dos et les troubles musculo-squelettiques, selon une autre étude menée par l’IST auprès de 800 médecins romands en 2010. «Le niveau de stress des salariés en Suisse est particulièrement élevé: horaires de travail, pression. Et notre droit du travail, très libéral, protège moins les salariés au niveau de leur santé que dans les pays voisins», estime Brigitta Danuser.
Pourtant, l’économie helvétique est en bonne santé. Mais pour la sociologue, ce n’est pas un paradoxe: «Le taux de chômage très bas en Suisse est le seul indicateur qui donne aux salariés une marge de manœuvre. On a toujours la possibilité de changer d’employeur si on est trop stressé.» Et la spécialiste d’ajouter: «Mais en termes de sentiment d’insécurité au travail, la Suisse est au milieu du tableau des 31 pays européens étudiés. Ce n’est pas un bon score au vu de notre chômage bas, les salariés devraient se sentir en sécurité, or ce n’est pas le cas.»
De son côté, le Secrétariat d’Etat à l’économie confirme la réalité du stress au travail en Suisse, chiffrant il y a deux ans son coût annuel à 10 milliards de francs (prise en charge hors frais de santé, ou des caisses maladie).
* L’événement se déroule jusqu’au 16 novembre au SwissTech Convention Center de l’EPFL
«Le stress au travail est comme le syndrome du secret bancaire: on se tait en pensant que ça va passer»