Il n’y a nul besoin de légiférer en matière de télétravail, avait indiqué en 2016 le Conseil fédéral. Mais ça, c’était avant la pandémie et le recours massif au travail à domicile, qui a amené 34,1% des travailleurs suisses à télétravailler en 2020, contre près d’un quart en 2019 et de façon beaucoup plus occasionnelle.

Aujourd’hui se pose donc la question d’instaurer cette pratique sur le plus long terme dans les entreprises suisses. Mais le travail flexible en termes de lieu n’est pas réglementé par la loi: une réalité que souhaite changer La plateforme, alliance politique des associations d’employés et associations professionnelles indépendantes. Elle compte notamment comme membres la Société des employés de commerce, Employés Suisse mais aussi l’Association suisse des cadres (ASC). Le socialiste zurichois Daniel Jositsch, président de la Société suisse des employés de commerce, a déposé jeudi une motion au parlement allant dans ce sens.

Car la loi sur le travail datant de l’ère industrielle, plus précisément de 1964, est dépassée, estime La plateforme. «Elle ne correspond plus aux besoins des entreprises et des employés, souligne Jürg Eggenberger, directeur de l’ASC. Nous souhaiterions ajouter à l’article 6, concernant la nécessité de protéger la santé des travailleurs, que ce principe vaut aussi pour le télétravail.» La motion demande notamment aussi plus de flexibilité en travail à domicile, avec une limite moins importante du nombre d’heures travaillées, mais aussi plus de souplesse.

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«La loi ne fixerait pas le contenu en détail»

«Il n’existe aujourd’hui pas de définition légale du télétravail, commente Jean-Philippe Dunand, avocat et professeur de droit du travail à l’Université de Neuchâtel. Les règles qui existent peuvent s’appliquer au télétravail, mais elles n’ont pas été pensées pour lui.»

Mais il n’est pas uniquement question d’adapter la loi sur le travail. La motion déposée par Daniel Jositsch préconise aussi l’introduction d’un nouvel article du Code des obligations: si l’employeur convient avec l’employé d’effectuer du télétravail, l’accord doit être écrit et doit réglementer certains points, parmi lesquels les heures de travail et leur enregistrement, la joignabilité du salarié, la prise en charge éventuelle des dépenses liées au télétravail ou encore la mise à disposition de matériel. «La loi ne fixerait pas le contenu en détail mais les éléments à régler à travers une convention employeur-employé intégrée ou complémentaire au contrat de travail», précise Jürg Eggenberger.

Un niveau de précision qui semble tout à fait correct à Jean-Philippe Dunand. «Cet ajout forcerait à ne pas laisser ces points dans le flou et à en discuter», juge-t-il.

L’épineuse question des frais

Une volonté «d’amélioration» que salue l’Union patronale suisse (UPS). «Les enquêtes montrent un souhait tant des employeurs que des employés de continuer en partie le télétravail, note Marco Taddei, responsable romand de l’UPS. Et il est vrai que la loi sur le travail, vieillotte, a besoin d’être un peu toilettée pour maximiser les bienfaits du télétravail pour tout le monde.»

Il souligne cependant que «dans la pratique, il y aura à régler des questions hautement conflictuelles entre patrons et syndicats, notamment celle des frais en travail à domicile». Marco Taddei rappelle aussi l’existence d’une initiative parlementaire, toujours en cours, lancée en 2016 par un élu PLR pour assouplir les conditions encadrant le télétravail.

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Ce n’est en effet pas la première fois que cette thématique est mise sur la table. Jean-Philippe Dunand mentionne les interpellations aux Chambres fédérales, dont le postulat déposé en plein covid, il y a un an, par le socialiste Mathias Reynard: «Télétravail. Opportunités et protection des salariés et salariées». «Mais ce qui me paraît intéressant dans cette nouvelle motion, c’est l’équilibre recherché, souligne l’avocat. Avec d’une part plus de flexibilité (comme le réclament souvent les employeurs) quant à la durée de la journée de travail ou du repos quotidien, mais tout en s’assurant que les travailleurs sont correctement protégés.»