Le conflit est inhérent aux rapports humains. Comme le souligne la psychanalyste Diane Drory, «dès que quelqu'un est en présence de quelqu'un d’autre, il y a possibilité de conflit.»  Au travail, les managers passent en moyenne 20 à 30% de leurs temps à résoudre des antagonismes et des rivalités, selon une étude conduite par l’American Management Association. 

La gestion des conflits figure par ailleurs en tête des compétences enseignées aux dirigeants dans les programmes de formation, avant la prise de décision, le leadership et même les compétences en matière de communication, selon un sondage intitulé A Survey of Managerial Interests with Respect to Conflict.

«Les gens n’aiment pas les conflits»

Considéré comme un facteur de désolation et de désunion des équipes de travail, le conflit est fui par de nombreux managers qui mettent tout en œuvre pour l’exclure ou l’amortir. «Les gens n’aiment pas les conflits et les évitent parce qu’ils les voient comme dangereux, craignent le tourbillon émotionnel qu’ils provoquent ou sous-estiment leurs capacités à les confronter», relèvent Lee G. Bolman et Terence E. Deal, auteurs du livre «Dans la tête des grands leaders».

Pourtant, certains désaccords peuvent se transformer en force positive pour une entreprise. Stephen Robbins, David DeCenzo, Mary Coulter et Charles-Clément Rüling, auteurs du guide «Management, l’essentiel des concepts et pratiques», opèrent une distinction entre les conflits dysfonctionnels et fonctionnels. Si les premiers empêchent une organisation d’atteindre ses objectifs, les seconds ont des effets constructifs qui favorisent sa réussite. Ainsi, les antagonismes qui concernent les contenus et les objectifs de travail, lorsqu’ils ne sont pas récurrents, ont systématiquement un impact positif sur la performance des équipes car ils incitent à l’échange d’idées et stimulent l’innovation.

«Bousculer les habitudes»

A l’inverse, «les conflits relationnels sont presque toujours dysfonctionnels car l’hostilité interpersonnelle augmente le nombre d’accrochages, réduit la compréhension mutuelle et empêche la finalisation des tâches», en plus d’encourager les intrigues et les sabotages. Il en va de même des différends relatifs à la façon d’accomplir le travail, soit le «qui est censé faire quoi». Ces désaccords sont aussi pour la plupart dysfonctionnels «car ils induisent de l’incertitude concernant les responsabilités, augmentent le temps nécessaire à terminer le travail et amènent les membres de l’équipe à considérer des intérêts qui ne sont pas liés à la tache.» Dans certaines circonstances, accentuer les antagonismes peut s’avérer indispensable. «Une organisation tranquille, harmonieuse, pourrait bien être en fait apathique, peu créative, stagnante, rigide et peu réactive», soulignent Lee G. Bolman et Terence E. Deal. 

Le conflit est ainsi le bienvenu lorsque l’innovation est en perte de vitesse, lorsque les employés témoignent d’une résistance anormalement élevée au changement, craignent d’exprimer leurs doutes et lacunes, se montrent trop obséquieux ou encore lorsque les décisionnaires sont focalisés sur le compromis au point de perdre de vue les valeurs, les objectifs à long terme ou les intérêts vitaux de l’entreprise. «Un changement introduit par la force peut faire éclater le système et en faire émerger un nouveau. A plus petite échelle, un acte conflictuel peut venir bousculer les habitudes et apporter des améliorations dans la manière de travailler», observe l’expert en communication Lionel Bellenger.

Une place légitime pour le conflit

Comment s’y prendre pour stimuler les conflits fonctionnels? La première étape pour un manager consiste à faire comprendre à ses collaborateurs que le conflit occupe une place légitime dans le travail. «Les individus qui bousculent le statu quo, suggèrent des idées innovantes, affirment des opinions divergentes et font preuve d’originalité devraient être ostensiblement récompensés par le biais de promotions, d’augmentations de salaire ou de toute autre forme d’encouragements», conseillent les auteurs du guide «Management, l’essentiel des concepts et pratiques».

Quelle attitude adopter en présence d’un conflit dysfonctionnel? Pour Kenneth W. Thomas et Ralph H. Kilmann, les individus ont le choix entre cinq stratégies: l’évitement, l’accommodation, la compétition, le compromis et la collaboration. Ce qui distinguera le bon manager du médiocre sera sa capacité à appliquer la stratégie appropriée à chaque conflit. A cet égard et selon les experts en leadership, l’évitement et l’accommodation ne sont salutaires qu’en présence d’un conflit mineur. Le choix du compromis quant à lui n’est adéquat que lorsque les parties qui s’opposent sont de forces à peu près égales, qu’il est souhaitable de trouver une solution temporaire à un problème complexe, ou que les contraintes de temps exigent un règlement rapide.  

La stratégie de la compétition est conseillée lorsque le manager doit résoudre rapidement un problème majeur qui l’oblige à entreprendre des actions impopulaires et que l’adhésion des autres n’est pas indispensable. Enfin, la collaboration est adaptée lorsque les contraintes de temps sont minimales, que les parties cherchent sincèrement à ne léser personne et que le problème posé est trop important pour se contenter d’un compromis.