Trouverais-je un emploi aujourd’hui si je devais en chercher un? C’est par cette question simple que la Fondation Qualife, basée à Genève, présente la plateforme en ligne qu’elle lance ce jeudi: Check-up employabilité.

La notion d’employabilité peut sembler de prime abord un peu abstraite. Selon l’Organisation internationale du travail, elle représente «l’aptitude de chacun à trouver et conserver un emploi, à progresser au travail et à s’adapter au changement tout au long de la vie professionnelle». La Fondation Qualife rappelle qu’elle renvoie à l’implication de plusieurs protagonistes que sont l’Etat, l’entreprise et l’employé.

Une question à se poser en emploi

C’est sur la responsabilité de ce dernier que se focalise l’outil développé par la Fondation Qualife. C’est que celle-ci s’y connaît: elle accompagne les moins de 25 ans et les plus de 50 ans notamment vers la formation, l’insertion et la réinsertion professionnelle. «L’employabilité est au cœur de nos préoccupations», souligne Eric Etienne, directeur de Qualife. Mais son équipe en fait le constat: il manque un outil d’auto-évaluation qui permette à chacun de se situer et de progresser de façon préventive. «Nous voyons trop souvent des personnes rester sur le carreau faute de s’être préoccupé de cette question quand elles étaient encore en emploi», développe-t-il.

Une chronique à lire: L’obsolescence programmée des cadres

La plateforme est gratuite et accessible à tous moyennant la création d’un compte en ligne. Elle vise des personnes de tout âge en emploi, même si un «parcours» existe aussi pour ceux qui sont à la recherche d’un travail et se demandent si leur difficulté à réintégrer le monde professionnel est due à certains manquements dans leur profil.

Le dispositif pourrait-il servir à des collaborateurs de Credit Suisse et UBS inquiets pour leur avenir, par exemple? «Dans l’absolu oui, répond Sabine Maitre, conseillère en emploi chez Qualife et l’une des chevilles ouvrières du projet. Mais ce n’est pas un outil à utiliser dans l’urgence comme bouée de sauvetage.»

Des «missions» qui vont de quarante-cinq minutes à plusieurs semaines

Il existe six «missions» à accomplir sur Check-up employabilité: pour chacune, un support est à remplir pour débloquer un nouveau «niveau». La personne est guidée et encouragée, notamment à travers des vidéos à certains moments clés. Une étape comme «Lister mes compétences de savoir-faire» prend quarante-cinq minutes à une heure et demie, mais un palier comme «Déterminer les compétences évolutives de mon métier» nécessite une observation sur le terrain, qui prend plusieurs jours à quelques semaines, tout comme «Comprendre les besoins des entreprises».

«L’idée est de surveiller le marché sans être pour autant en recherche d’emploi, de regarder ce que les entreprises qui recrutent pour un poste similaire au nôtre requièrent comme capacités actuellement», précise Sabine Maitre.

Des étapes exigeantes. En témoigne Giovanni Ferro-Luzzi, l’un des premiers à avoir testé cette plateforme: il faisait partie d’un groupe d’accompagnement destiné à faire des retours à la Fondation Qualife. Il est professeur associé à la Geneva School of Economics and Management à l’Université de Genève ainsi qu’à la Haute Ecole de gestion (HEG) de la HES-SO Genève. «Elle nécessite un certain investissement de la part de celui qui l’utilise et elle va au-delà de simples conseils: passer par les différentes étapes permet un tour d’horizon sur ce que vous pouvez valoir sur le marché du travail, aussi bien pour des personnes hautement qualifiées que pour celles qui le sont moins.»

Mais pour l’outil de Qualife comme pour d’autres, Giovanni Ferro-Luzzi insiste aussi: en matière d’employabilité, la temporalité est un facteur essentiel. «Il faut une prise de conscience que ce type de plateforme doit s’utiliser avant d’en arriver à un épisode de chômage. Souvent, on ne se rend compte qu’à ce moment-là qu’on n’a pas effectué l’investissement progressif, en matière de formation continue notamment, pour rester à niveau sur le marché du travail.»

A la fin du parcours, les compétences à développer sont identifiées. Elles permettent d’établir un plan d’action: il peut s’agir de formations continues formelles, mais pas seulement. «Elles sont parfois indispensables, mais elles peuvent représenter un obstacle pour une question de moyens ou de temps, note Sabine Maitre. Il est aussi possible de se former à l’interne, à travers du mentorat, en intégrant des projets qui ont lieu dans son entreprise, ou encore en travaillant sur ses soft skills

Des limites

Attention, l’idée n’est pas de «remplacer du coaching humain, prévient Sabine Maitre. Mais c’est un premier outil qui peut être utilisé en toute autonomie.» Il ne se substitue pas au regard avisé d’un professionnel de l’insertion, précise également Giovanni Ferro-Luzzi, mais «c’est un outil complémentaire, et sa gratuité et son accessibilité en ligne lui permettent d’atteindre un public particulièrement large.»

Carine Dilitz, directrice générale de Oasys Consultants, société spécialiste en transition professionnelle, réagit: «Il n’est pas simple de savoir quelle est véritablement l’attractivité de son profil sur le marché sans le retour d’un professionnel. Mais une auto-évaluation permet de se rendre compte des compétences accumulées et de se demander si l’on est en décalage avec le marché du travail actuel. C’est important puisque cela peut s’avérer difficile à faire lorsqu’on travaille depuis longtemps pour la même société et qu’on est la tête dans le guidon.» Chez Oasys, le bilan de compétences est la première étape d’un programme de transition de carrière.

A noter aussi, en matière d’employabilité, le programme Viamia destiné aux 40 ans et plus, disponible dans tous les cantons.

Des outils précieux, car comme nous le montre la reprise aussi spectaculaire que rapide de Credit Suisse par UBS, le besoin de trouver du travail peut survenir rapidement. Les progrès de l’intelligence artificielle risquent bien, eux aussi, de rendre la question de l’employabilité toujours plus brûlante.

Retrouvez nos articles sur le monde du travail.