La nouvelle a provoqué quelques remous en France, certains y voyant la preuve que le système scolaire national se détériore. Les universités suisses ont revu cet automne l’admission des bacheliers français. Dès la rentrée 2013, les titulaires d’un bac littéraire (L) ne pourront plus se présenter dans une institution suisse, à moins qu’ils n’aient choisi l’option mathématiques en première et terminale. Certaines facultés, comme celles des lettres à Genève, octroieront des dérogations pendant une période de transition de deux ans.

«Dans son âpre pragmatisme, cette décision en dit plus long sur la crise du bac que bien de nos polémiques hexagonales», se lamente Emmanuel Davidenkoff, chroniqueur à France Info et sur le site d’information Huffingtonpost.

Pourquoi l’alma mater a-t-elle pris cette décision? Comme chaque année, les représentants des universités et des EPF se sont réunis en octobre pour passer en revue les plans d’études de quelque 140 pays. L’objectif: vérifier qu’ils correspondent à la maturité suisse. «C’est une question d’équité. On regarde le nombre d’heures, les branches, le plan pédagogique pour s’assurer que leur diplôme correspond au cursus helvétique», explique Margareta Baddeley, vice-rectrice à l’Université de Genève.

Depuis longtemps déjà, le baccalauréat n’était pas jugé équivalent à la maturité. Les étudiants français devaient obtenir la mention (12/20) pour être admis dans une faculté suisse; ou avoir étudié déjà deux ans dans une autre université.

«Il y avait déjà des différences substantielles entre le baccalauréat et la maturité. Mais avec la réforme du programme du bac, littéraire en particulier, dont les premières volées vont sortir cette année, ces différences se sont encore accrues», explique Carine Rüssmann, responsable des admissions à l’Université de Lausanne.

En fait, les langues ont été renforcées au détriment des mathématiques et des sciences naturelles. Le programme du bac L n’est plus «généraliste», comme la maturité, juge l’alma mater. «Nous ne pouvons pas accepter des diplômes qui n’offrent pas un panel de branches, à l’instar de la matu. C’est d’ailleurs une question qui se pose souvent avec les étudiants américains et canadiens, dont les diplômes du secondaire sont très spécialisés», relève Margareta Baddeley.

La décision a-t-elle été influencée par la soudaine croissance des effectifs français dans les hautes écoles suisses? «Non. A Genève, nous n’avons pas constaté d’afflux et nous ne cherchons absolument pas à exclure les étudiants français, conteste la vice-rectrice. La preuve: pour les autres bacs, les conditions d’admission restent identiques. Une moyenne de 12 sur 20 est toujours exigée. Pour le bac scientifique, nous avons même enlevé ce seuil, pour les étudiants qui ont pris l’option histoire géographie en terminale, relève la responsable. Nous ne nous fions qu’aux programmes, et c’est celui du bac L qui a été modifié.»

Du côté de l’EPFL, par contre, la réponse diverge. Les écoles polytechniques envisagent de durcir leurs conditions d’accès. Si les bacheliers français devaient décrocher une mention bien (14/20) pour se présenter à l’EPFL, «nous travaillons sur un projet pour relever ce seuil à 16/20 (mention très bien) en 2014. Plusieurs commissions doivent encore avaliser cette décision», explique Jérôme Grosse. Pour justifier ce durcissement, le directeur de la communication à l’EPFL invoque la forte augmentation des étudiants en provenance de l’Hexagone ces dernières années. «Nous sommes passés de 15% d’élèves français en 2007/2008 à 25% en 2011/2012 dans l’ensemble des cycles bachelor et master. Il nous faut garder un équilibre dans nos effectifs et nous ne voulons attirer que les meilleurs éléments», explique le responsable.

«Si nous voulons avoir des étudiants français du même niveau que nos étudiants suisses, il faut choisir ceux qui ont entre 15 et 16 sur 20, et non 14, précise-t-il. Le bac est devenu la norme en France; nous sommes forcés de faire une sélection, puisqu’il n’y a pas d’examens d’entrée à l’EPFL.»

Du côté des écoles qui forment les bacheliers, c’est la déception. «16/20, c’est élitiste», remarque Emmanuel Coigny, principal de la section francophone au Collège du Léman à Versoix (GE). «Moins de 7% des étudiants y arrivent. Or plusieurs de nos élèves rêvent de poursuivre leurs études à l’EPFL. Ils sont inquiets, reconnaît le responsable. Les grandes écoles anglo-saxonnes valorisent, elles, de plus en plus les compétences sociales et relationnelles des élèves.»

L’école privée a décidé de continuer d’offrir le bac L, mais en recommandant l’option mathématiques, pour conserver l’accès aux universités suisses. «De plus en plus de nos élèves veulent poursuivre leurs études dans les institutions suisses, car les effectifs sont plus restreints, l’enseignement semble plus personnalisé et les infrastructures d’accueil sont très modernes», précise Emmanuel Coigny.

«Exiger une note de 16 sur 20, c’est élitiste. Moins de 7% des étudiants y arrivent»

Pour le baccalauréat scientifique, le seuil a au contraire été enlevé