Perspective
Dynamique, équilibrée et ouverte, l’économie catalane pèse 221 milliards d’euros, soit plus que sept pays de la zone euro. Mais en cas de oui au référendum sur l’autodétermination de dimanche, elle plongerait dans l’incertitude

D’abord, voici quelques chiffres qui en disent long sur l’économie de la Catalogne. En 2016, le revenu annuel par habitant était de 29 728 euros (environ 34 000 francs), contre 22 978 pour le reste de l’Espagne. Les 7,5 millions de Catalans représentent 16,2% de la population espagnole, mais leur part dans la richesse nationale – 221 milliards d’euros – s’élève à 20%. Le taux de chômage dans la région indépendantiste est de 15,7%, contre 19,6% pour le reste du pays. Sur le plan commercial, la Catalogne avait réalisé un surplus de 12,9 milliards d’euros, soit 5,77% de son produit intérieur brut (PIB), avec l’étranger, hors Espagne. Avec l’Espagne même, le surplus était de 14 milliards, soit 6,31% de son PIB.
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Et encore. Si la Catalogne était un Etat au sein de l’Union européenne (UE), elle se classerait au douzième rang en termes de PIB par habitant, devant l’Italie, le reste de l’Espagne et le Portugal. Mais si l’on tenait compte du pouvoir d’achat, elle grimperait au neuvième rang, devant la Finlande, le Royaume-Uni et la France.
Les services représentent 74% du PIB
A la veille du référendum sur l’autodétermination, la question de la viabilité d’une Catalogne indépendante se pose. «La région a une économie diversifiée et une structure de production mieux équilibrée que d’autres régions du pays, note Christopher Dembik, chef économiste de la banque Saxo, dans un commentaire publié cette semaine. Comme dans les pays développés, l’agriculture y joue un rôle marginal (2% du PIB), l’industrie représente 19,6% et la construction 4,7%. La part du lion revient aux services, avec 74%.»
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Christopher Dembik fait encore remarquer que la Catalogne attire plus d’investissements étrangers que le reste de l’Espagne, en raison notamment d’une meilleure productivité. Selon lui, la région a mis en place avec succès une collaboration entre les universités et le secteur privé pour développer des produits et services innovants. «A partir de ces données, on peut dire sans hésitation qu’une Catalogne indépendante a le potentiel pour devenir un Etat viable», affirme l’économiste.
Un secteur bancaire trop grand pour un petit pays
Eric Dor, directeur des Etudes économiques à l’IESEG School of Management de l’Université catholique de Lille, va dans le même sens. Toutefois, selon lui, il y a de nombreux écueils. En premier lieu, la fragilité du système bancaire: «Les banques ayant leur siège en Catalogne ont une masse sous gestion qui dépasse largement le PIB, explique le professeur. Indépendante, elle se retrouverait dans la situation classique d’un petit pays avec un secteur bancaire dont la taille du bilan est trop grande par rapport aux recettes fiscales.» Conséquence: en cas de crise bancaire, l’Etat ne pourrait pas garantir les dépôts.
Autre faiblesse: la Catalogne devrait assumer non seulement la dette publique régionale, mais aussi une partie de la dette espagnole. L’ardoise totale espagnole a atteint 1107 milliards d’euros en 2017. Si la Catalogne devait assumer sa dette ainsi que sa quote-part de 20% de la dette nationale, l’ardoise monterait à 134% de son PIB. «Ce serait extrêmement difficile à supporter», commente Eric Dor.
Référendum illégal
Pour le professeur lillois, qui dit avoir discuté avec des acteurs économiques catalans, le scénario optimiste serait que l’indépendance se fasse dans le dialogue avec Madrid et que la Catalogne reste liée à l’UE et à la zone euro sans interruption. Or Bruxelles a déjà fait savoir qu’elle n’entrerait pas en matière à propos d’une adhésion de la Catalogne.
Alan Mudie, chef stratège de Société Générale Private Banking (Suisse), se montre encore plus réservé. «Dans l’hypothèse très improbable que la Catalogne devienne indépendante, il est probable qu’elle connaîtra un affaiblissement de son dynamisme, dit-il. Bruxelles ne l’aidera d’aucune façon du fait que le référendum de dimanche a été décrété illégal par le gouvernement central espagnol.» Selon lui, la voie unilatérale ne fera qu’augmenter l’incertitude, ce qui est préjudiciable aux investissements et à l’économie en général.