Chômage
Les indépendants qui n’étaient pas intégrés dans l’ordonnance du Conseil fédéral se sentent abandonnés. D’innombrables inégalités sont apparues dans le projet, selon Cédric Portier, avocat auprès de Gros & Waltenspühl à Lausanne

La situation des indépendants a été oubliée par l’ordonnance du Conseil fédéral, écrivait récemment dans Le Temps (23 mars) Cédric Portier, avocat et expert fiscal auprès de Gros & Waltenspühl à Lausanne. Ces derniers jours, le débat s’est enflammé. Les pétitions se multiplient.
De son côté, le Seco indique que des améliorations sont en vue. Pour distinguer entre les situations et les allocations prévues, Cédric Portier répond aux questions du Temps.
Le Temps: La grogne des indépendants s’est-elle accrue ou a-t-elle diminué après la décision du Conseil fédéral d’offrir 3320 francs aux indépendants organisés en SA ou Sàrl?
Cédric Portier: La grogne s’est accrue. Les indépendants oscillent entre la colère et la déprime. Ils se sentent seuls, abandonnés, et constatent l’écart entre le discours des autorités qui laissaient supposer qu’ils seraient aidés et la réalité de leurs allocations.
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Ils ne savent pas comment payer leurs factures et leur loyer. Leur poids politique est assez modeste, malheureusement pour eux. Il importe toutefois de savoir que les indépendants se répartissent entre entrepreneurs à la tête d’une SA ou d’une Sàrl et les autres.
Les inégalités de traitement entre les indépendants peuvent-elles se justifier?
Non, les différentes inégalités sont pour moi injustifiables, discriminatoires et fausses sous l’angle de la technique d’assurance. La première porte sur le fait que les indépendants en SA ou Sàrl, qui, en vertu de l’ordonnance, reçoivent un forfait de 3320 francs pour leurs dépenses personnelles, ont cotisé à l’assurance chômage à hauteur de 2,2% de leur salaire (sans plafond) et les autres, qui reçoivent un revenu d’au maximum 5800 francs, ne l’ont pas fait. Pour ces derniers, cette assurance octroyée sans avoir payé une prime au préalable est un vrai coup de pouce financé par le budget de la Confédération. C’est légitime, mais dans ce cas on peine à comprendre le plafond de 3320 francs qui s’applique à ceux qui ont cotisé.
Le débat porte aussi sur les taxis ou les indépendants qui subissent une perte de revenu mais ne peuvent pas fermer. Combien de situations existe-t-il finalement?
Le taxi peut être en SA ou Sàrl ou en raison individuelle. Il en résulte l’inégalité citée plus haut. Les indépendants en raison individuelle subissent une autre inégalité, finalement assez sournoise. Ils se répartissent en effet entre une première catégorie, composée de ceux qui sont inscrits dans la liste du Conseil fédéral parce qu’ils ont fermé, comme les coiffeurs ou les restaurateurs, et un deuxième groupe, avec ceux qui n’ont pas fermé mais ont subi une chute de leur chiffre d’affaires. Ce deuxième groupe comprend des physiothérapeutes, des architectes ou des logopédistes.
Il y a donc quatre catégories de chômeurs, les employés ordinaires (plafond à 9880 francs), les entrepreneurs en SA ou Sàrl avec un forfait de 3320 francs, les entrepreneurs indépendants qui ont fermé et qui reçoivent 5800 francs et les indépendants qui n’ont pas fermé mais qui ne font presque plus de chiffre d’affaires et ne reçoivent rien du tout. Il faudrait donner à ces derniers le bénéfice d’une allocation à 196 francs par jour car ils ont aussi arrêté à cause de la pandémie.
Que pensez-vous de l’idée, exprimée par l’Union suisse des professions libérales, de doubler le montant de 196 francs par jour?
Le doublement du plafond permettrait de les placer à un niveau proche de celui des salariés ordinaires. Il faut toutefois préciser que ce type d’indépendants n’a pas payé de primes d’allocation chômage, à la différence des autres entrepreneurs et salariés, et cela serait donc une solution relativement généreuse.