Sans disparaître, le goût amer des huis clos va être atténué. Mercredi, le Conseil fédéral a débloqué 350 millions de francs dans le but d’octroyer des prêts au sport professionnel. Le gouvernement a présenté leurs modalités, après que le parlement en a accepté le principe cet automne.

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Les clubs des ligues professionnelles de football et de hockey sur glace pourront en bénéficier. Mais aussi les sportifs semi-professionnels, notamment dans les clubs de basketball, de handball, de volleyball et d’unihockey, ainsi que de football et de hockey sur glace féminins, à condition qu’ils évoluent en première division.

La Confédération pourra leur accorder des prêts sans intérêt, s’élevant au maximum à un quart de leurs charges d’exploitation de la saison 2018/2019. Les clubs devront fournir des garanties à hauteur de 25% et auront dix ans pour les rembourser intégralement. Par ailleurs, à l’aune de la deuxième vague et des huis clos récemment imposés, le Conseil fédéral envisage aussi l’octroi d’aides à fonds perdu. Des détails seront communiqués le 1er décembre.

«Nous aurions pu gérer»

Pour Raphaël Berger, directeur général de Fribourg-Gottéron, la vraie bonne nouvelle du jour réside dans le cumul des prêts, ainsi que dans la possibilité d’obtenir des aides à fonds perdu. Pour son club comme pour bien d’autres, chaque match est une perte. «Avec deux tiers des spectateurs [Fribourg-Gottéron n’a joué que deux matchs à domicile avec ce régime], nous aurions pu gérer nos finances grâce à ces prêts, même avec les charges d’amortissements ces prochaines années.»

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Mais le huis clos a tout changé. «Un plafond fixé à 25% des charges d’exploitation, c’est insuffisant pour faire face à cette nouvelle réalité.» Ce d’autant plus que ce maximum est fixé sur la base des charges de la saison 2018/19. La dernière durant laquelle Fribourg jouait dans son ancienne patinoire. Dans la nouvelle, «nos revenus ont augmenté, mais nos charges aussi».

Sur la saison régulière en cours, soit 26 matchs à domicile, Raphaël Berger estime que la perte se serait élevée à 2,5 millions de francs. Mais ça, c’était avant le huis clos imposé. Celui-ci mènera à des pertes bien plus importantes, sachant qu’environ 70% des revenus totaux du club fribourgeois sont liés aux matchs à domicile avec la billetterie, le sponsoring, l’hospitalité, ainsi que la restauration.

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Attendre les aides, plutôt que de s’endetter? «C’est un pari trop risqué. On sait que les discussions vont durer, que ce sera politiquement compliqué à mettre en place», répond Raphaël Berger. «Je n’imagine pas que quelqu’un n’ait pas besoin de ces prêts, complète Didier Fischer, le président de la Fondation 1890, actionnaire du FC Servette et du HC Genève-Servette. En ce qui nous concerne, les demandes sont déjà faites. Et si l’on peut les rembourser plus vite que prévu, tant mieux.» Il en profite pour souligner la nécessité des aides confirmées mercredi: sans spectateurs, les deux clubs genevois se voient privés de 30 à 40% de leurs revenus.

Jouer ou ne pas jouer?

Les clubs auront trois ans pour rembourser. Sans quoi, ils devront opérer des réductions salariales allant jusqu’à 20%. La durée totale du remboursement est, elle, de dix ans. La règle s’applique uniquement aux salaires dépassant le montant maximal du gain assuré au sens de la loi sur l’assurance accidents (environ 148 000 francs). Autrement dit, ce sont les salaires des joueurs dont il est question. «C’est une contrainte compréhensible. Si l’on doit passer par là, on le fera, reprend Raphaël Berger. Mais de toute façon, recourir à un prêt mènerait à une baisse de l’argent disponible pour payer des salaires… L’objectif serait de rembourser le plus rapidement possible, afin de redevenir indépendant financièrement.»

Le conditionnel reste de mise, car il ne sait pas encore si ni quand Fribourg-Gottéron demandera un prêt. «On va jouer jusqu’au 1er décembre, puis nous aurons une nouvelle évaluation sanitaire et financière. Si l’on voit que des matchs pourraient être reportés à février ou à mars avec du public, on préférera faire une pause.» Mais pour les sportifs comme pour tous les autres, l’incertitude actuelle n’autorise aucune projection, ne serait-ce qu’à moyen terme.

A court terme, les footballeurs comme les hockeyeurs genevois sont à l’arrêt. Mais au-delà de ces mises en quarantaine, Didier Fischer veut continuer à jouer. «Si l’on ne joue pas, les actifs, c’est-à-dire les joueurs, perdent de la valeur. Et les droits TV pourraient baisser.» Mais à l’inverse, «si l’on peut bénéficier du chômage partiel pour des contrats à durée déterminée, ça peut couvrir une partie de la masse salariale… Honnêtement, c’est un calcul que je ne sais pas faire.» Car Didier Fischer refuse de se limiter à ces uniques considérations comptables. «Nous avons aussi le devoir d’apporter de l’émotion et du divertissement. Tant qu’il y a des combattants et de l’équité sportive, jouons! On veut jouer, c’est notre métier. C’est aussi cet esprit de compétition que nous enseignons à nos jeunes.»