Johan Andsjö, directeur de Salt (ex-Orange)

«Le changement de marque d’Orange vers Salt n’est que la première étape, il y aura des surprises»

Rien, il ne reste à première vue rien de la marque Orange au 4, rue du Caudray, à Renens (VD). Sur le bâtiment, qu’il partage notamment avec le câblo-opérateur UPC Cablecom, le spécialiste helvétique de la téléphonie mobile a installé un immense logo «Salt» sur le mur faisant face aux voies CFF. Salt, qui utilise sa nouvelle marque depuis le 23 avril, va peut-être lancer un concours à l’interne pour chasser les derniers logos «Orange». En fait, il en reste au moins un… sur le tapis de souris de la réceptionniste. Sinon, l’opérateur a achevé sa mue. Lundi prochain, le 1er juin, il lancera ses nouveaux abonnements «Pass», à payer une fois par année. A deux jours de ce lancement, Johan Andsjö, directeur de Salt, répond à nos questions. Ce Suédois est à la tête de l’opérateur depuis octobre 2012.

Le Temps: Aviez-vous vraiment, comme vous l’avez dit, établi une liste de 737 noms avant de choisir la marque «Salt»?

Johan Andsjö: Oui, car le processus a été assez long. Nous avons d’abord réfléchi au concept et décidé de choisir un nom très simple et direct. Nous avons ensuite regardé si la marque et l’adresse internet étaient disponibles. Nous avons effectué des tests auprès de petits groupes puis avons abouti à une liste de dix noms. Nous les avons présentés à 1300 clients dans tout le pays avant que «Salt» ne soit choisi. Ah, et il ne fallait pas que la marque soit perçue comme très positive ou négative.

– Pourquoi?

– Si le nom est perçu trop positivement, cela veut dire que le client l’associe à certains éléments. Il possède certaines attentes auxquelles l’entreprise doit répondre. Et c’est difficile à changer…

– Mais Orange était un nom à consonance chaleureuse, alors que Salt est froid, moins «fun»…

– Tous les opérateurs ont tendance à promettre trop. Vous voyez des publicités où une très belle femme et un très bel homme courent l’un vers l’autre et choisissent ensuite tel ou tel opérateur… Cela vous donne l’impression de pouvoir avoir non seulement la femme, mais aussi la Ferrari. Nous voulions une marque ne promettant rien de plus qu’un excellent service, sans fioriture. C’est aussi pour cela que nous avons changé nos publicités: ce ne sont plus des mannequins dans un désert de sel mais des utilisateurs, dans des situations de la vie de tous les jours.

– Mais ce changement de marque en valait-il la peine? Il vous a coûté 40 millions de francs, alors que vous payiez jusque-là 20 millions par année à Orange France pour utiliser leur label.

– Oui. Car nous dépensions en moyenne 55 millions par an en marketing, plus environ 30 millions dans nos magasins, tout cela pour travailler sur une marque, Orange, qui ne nous appartenait pas. Alors que nous sommes une société suisse.

– Le 23 avril, vous avez beaucoup insisté sur l’importance de la simplicité et de l’efficacité pour Salt. Concrètement, que cela signifie-t-il?

– Les valeurs sont à peu près les mêmes que pour Orange. Mais nous voulions clarifier, en interne, ce que cela devait signifier pour nos clients. Salt, ce sera des services personnels, une garantie de réseau de qualité, des modèles tarifaires établis en Suisse.

– Rien de très nouveau.

– En effet, mais nous nous concentrons sur l’essentiel, la téléphonie mobile.

– Sans ambition d’entrer sur l’accès fixe à Internet? Au Liechtenstein, vous avez lancé un appareil permettant de transformer le réseau mobile en accès fixe à Internet.

– C’est un marché test… Tout ce dont je suis sûr, c’est qu’avec Xavier Niel, notre propriétaire, rien n’est impossible. Le changement de marque d’Orange vers Salt n’est que la première étape, il y aura des surprises. Je ne peux pas en dire davantage.

– Quelle a été l’influence de Xavier Niel depuis le rachat de Salt fin 2014?

– Honnêtement, nous n’avons pas eu beaucoup d’interactions avec lui pour le moment. Il s’est présenté à tous les employés, il a suivi le changement de marque, mais c’est tout.

– Le rencontrez-vous souvent?

– Une fois par mois. La dernière fois, c’était début mai, pour lui présenter la marche des affaires. Rappelez-vous que le feu vert au rachat de Salt par sa holding NJJ Capital n’a été obtenu qu’en février. Xavier Niel est très satisfait de ce qui a été fait ces dernières années et des performances actuelles.

– Allez-vous rester en place?

– Oui.

– De nombreux clients de Salt sont déçus que les nouveaux tarifs ne soient pas plus agressifs, vu ce que Xavier Niel avait fait en France avec Free. Que leur répondez-vous?

– J’ai entendu ces remarques. Mais Xavier Niel adopte une stratégie propre dans chaque marché où il est présent. Il n’a pas copié à Monaco ou en Israël ce qu’il a fait en France. Mais rassurez-vous, il y aura d’autres innovations.

– Cette année?

– Attendez un peu.

– Toutefois, Salt ne se battra pas sur les prix de manière agressive.

– Je n’ai pas dit cela, il y aura, comme je vous l’ai indiqué, une seconde phase après le changement de marque. Patience!

– Parlons de vos abonnements «Pass», que vous lancez lundi. L’offre standard illimitée coûtera 999 francs par an, soit 83,25 francs par mois. Votre offre comparable «Salt Me» coûte 85 francs par mois. Quel est l’intérêt de débourser 999 francs en une fois?

– Nous avons déjà lancé deux innovations importantes. D’abord, la garantie de satisfaction: nous sommes le seul opérateur à permettre au client de rapporter son téléphone, dans un délai de six semaines, s’il n’est pas satisfait du modèle ou de la couleur. Il peut aussi annuler sans aucun frais son nouvel abonnement ou en changer, librement, dans ce délai.

– Mais est-ce vraiment important pour les clients?

– Oui, car ils veulent être sûrs de faire le bon choix avant de signer pour un abonnement d’une durée de 24 mois. L’autre innovation, ce sont les «packs», qui comprennent un téléphone et un casque, une tablette ou un haut-parleur. Nous sommes en rupture de stock pour plusieurs produits.

– Venons-en aux tarifs «Pass»…

– Oui. D’abord, il y a l’avantage de payer l’abonnement en une seule fois durant l’année. Cela vous permet ensuite d’être tranquille et de ne pas vous soucier de retards si vous êtes en vacances.

– Peut-être, mais vous aviez depuis longtemps de gros soucis avec votre système de facturation; cela vous permet de régler ce problème...

– Non, si tel avait été le cas, nous aurions supprimé nos abonnements antérieurs, payables chaque mois. Et nos problèmes de facturation sont résolus. Nous avons voulu lancer des tarifs typiquement suisses, en nous inspirant de l’abonnement général des CFF, que beaucoup paient en une fois. Par ailleurs, nos abonnements «Pass» sont 10 à 15% moins chers que les abonnements mensuels.

– Certes, mais seulement si vous les comparez aux abonnements incluant des appels de Suisse vers l’étranger. Or peu de clients effectuent de tels appels avec leur mobile.

– Si, beaucoup de clients sont intéressés par cela et recherchent des offres illimitées, non seulement pour des appels en Suisse, mais aussi vers l’étranger.

– Cependant, tous vos clients ne sont pas capables de débourser 999 francs en une fois.

– Certes, ces tarifs ne sont peut-être pas pour tout le monde. Nous le savions d’ailleurs avant de les lancer. Nous avons juste voulu mettre en place des tarifs aussi simples que possible et voir comment le marché réagit. De plus, nous sommes les seuls à proposer un abonnement pour les seniors [799 francs pour les plus de 65 ans, ndlr].

– Forcerez-vous les clients à migrer vers ces offres «Pass»?

– Non, il sera toujours possible d’opter pour des abonnements plus traditionnels.

– Pourquoi avoir commercialisé le service «WiFi-Calling», permettant d’effectuer des appels via les réseaux sans fil? Est-ce parce que votre propre réseau mobile possède des trous?

– A cause de la régulation qui rend difficile la construction de nouvelles antennes pour les trois opérateurs, il y a des clients qui ont des problèmes de couverture à l’intérieur des bâtiments. Le Wi-Fi permet de résoudre cela. Et par la même occasion, à l’étranger, d’éviter les frais de roaming en effectuant des appels aux tarifs suisses.