Chez Nespresso, des travailleurs «épuisés»
Social
Le syndicat Unia alerte sur une dégradation des conditions de travail dans les usines du fabricant de café en dosettes. En cause, des changements d’horaires «épuisants et incompréhensibles» aux yeux des travailleurs

Augmentation du temps de travail, sous-effectif chronique et épuisement. L’ambiance de travail est pesante chez Nespresso, à en croire travailleurs et syndicat. En cause, un changement de la cadence dans les trois usines helvétiques d’Avenches (VD), Orbe (VD) et Romont (FR), où la filiale de Nestlé concentre sa production mondiale de capsules de café: depuis un an, la rotation est passée de cinq à quatre équipes, pour assurer la production en continu – 24 heures sur 24, sept jours par semaine – des dosettes.
Et c’est pour mesurer les conséquences de ce nouveau tournus qu’Unia a sondé les employés à la production de Nespresso, a indiqué le syndicat, en présentant les résultats de son enquête à la presse mardi à Lausanne. «Quelque 240 personnes ont répondu, soit près de la moitié des salariés de ce secteur», estime Nicole Vassalli, secrétaire syndicale à Unia Vaud. A la quasi-unanimité, elles font état d’une dégradation des conditions de travail au cours des douze derniers mois, l’attribuant au nouveau roulement horaire.
Poussés vers la sortie
Un changement qui a entraîné une augmentation du temps de travail de 41 à 43 heures par semaine en moyenne. En outre, «au lieu de travailler deux week-ends sur cinq, on est passé à un week-end sur deux», indique au Temps un employé, pour qui la vie de famille «s’est réduite à peu de chose». «Avec des journées de douze heures d’affilée les samedi et dimanche, on cumule parfois 58 heures la même semaine. Et quand on travaille deux week-ends de suite, on enchaîne 80 heures, entrecoupées d’un seul jour de pause», renchérit un collègue d’une autre usine. Tous deux parlent sous couvert d’anonymat, par crainte de représailles.
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«A part décourager les anciens, personne n’a compris les motivations du groupe», confie encore le premier témoin, salarié de longue date. Environ 60% des collaborateurs sondés par Unia songent à changer d’emploi prochainement, tandis que 70% d’entre eux estiment que les effectifs par équipe ont été réduits. «Il y a eu plusieurs départs, qui ont aussitôt été remplacés. Y compris par des employés temporaires», note un des travailleurs contactés.
Gains en efficacité
«Les volumes de production ont nettement augmenté, en particulier depuis le partenariat avec Starbucks», constate son collègue. Nestlé a démarré la commercialisation de produits, notamment de capsules de la marque de café américaine l’hiver dernier, après en avoir acquis les droits pour plus de 7 milliards.
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Contacté, Nespresso indique avoir embauché treize employés temporaires, ajoutant que 29 personnes ont quitté l'entreprise l'an dernier en raison du nouveau modèle de tournus. Celui-ci a été introduit pour «améliorer l’efficacité et la compétitivité» de ses sites de production, justifie-t-il sans entrer dans les détails. La société, qui assure «respecter et défendre le bien-être de ses employés», affirme en outre entretenir «un dialogue ouvert, transparent et régulier avec les 31 représentants des collaborateurs». La filiale de Nestlé ajoute ainsi avoir organisé des groupes de travail ayant permis la mise en place ces dernières semaines d’initiatives censées permettre «un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée».
Dépôt d'une plainte
Nespresso, qui n’a pas signé de convention collective de travail (CCT), est dans le collimateur du syndicat depuis plusieurs années. Au printemps 2018, Unia avait déjà alerté sur cette réorganisation du temps de travail. Il annonce cette fois le dépôt d’une plainte «d’ici à deux semaines» auprès des inspections de travail cantonales fribourgeoise et vaudoise.
«C’est épuisant, intenable sur le long terme», déplore le premier employé cité. «Mais si je m’en vais, le problème demeure», conclut-il, annonçant son intention de «se battre».