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La Chine a perdu de sa superbe en 2022

La politique de zéro covid et l’explosion de la crise immobilière vont freiner la croissance chinoise à +2,8% en 2022. Pour la première fois depuis 1990, la Chine est à la traîne des pays émergents du Sud-Est asiatique qui ont fait un grand bond en donnant une impulsion à la consommation intérieure et en augmentant les exportations

Des immeubles d'appartements inachevés dans un complexe résidentiel développé par Jiadengbao Real Estate à Guilin, en Chine le 17 septembre 2022. — © REUTERS/Eduardo Baptista
Des immeubles d'appartements inachevés dans un complexe résidentiel développé par Jiadengbao Real Estate à Guilin, en Chine le 17 septembre 2022. — © REUTERS/Eduardo Baptista

Ça tombe plutôt mal pour le président chinois Xi Jinping. A moins d’un mois du 20e congrès du Parti communiste qui devrait lui confirmer un troisième mandat, la Banque mondiale a publié lundi un rapport qui met en lumière la faiblesse de sa gestion de l’économie. Le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) du géant asiatique ne dépassera pas 2,8% en 2022, ce qui signifie une forte décélération par rapport aux 8,1% de 2021. La descente aux enfers pourrait se poursuivre au quatrième trimestre 2022; les exportations chinoises, l’un des piliers de la croissance, pourraient bien patiner en raison notamment du ralentissement en Europe et aux Etats-Unis.

Il ne s’agit pas des premiers pronostics pessimistes par rapport à la Chine, qui a pourtant tiré la croissance mondiale vers le haut durant plus de deux décennies. Plusieurs banques actives en Asie-Pacifique et autres institutions financières ont fait le même constat sévère. C’est la première fois depuis 1990 que l’Empire du Milieu sera à la traîne du reste de l’Asie. Pékin s’était fixé lui-même un objectif de hausse du PIB de 5,5% en 2022.

Un certain optimisme était encore de mise en avril. La Banque mondiale prédisait alors un taux de croissance de 4 à 5% pour l’année. Mais, depuis, l’économie chinoise s’est enfoncée dans ses travers. A commencer par la politique de zéro covid chère au président Xi Jinping qui, apparemment, ne veut pas prendre le risque de voir le Covid-19 hors de contrôle. Des centaines de villes se sont vu imposer un confinement strict, ce qui a limité la mobilité dans le pays. «C’est un facteur essentiel qui a une influence directe sur de nombreux secteurs, dont les voyages, la restauration et les loisirs», affirme Alicia Garcia Herrero, cheffe économiste pour l’Asie-Pacifique à la banque Natixis, dans une note publiée mardi.

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«Dans un scénario optimiste, la faible base de PIB en 2022 devrait soutenir la croissance en 2023, à l’instar de ce qui s’est passé en 2021 après la très faible croissance de 2020, estime la spécialiste de Natixis, basée à Hongkong. Mais dans une perspective à long terme, le Covid-19 a peut-être déjà laissé des cicatrices sur l’économie chinoise, notamment sur le sentiment des investisseurs.» Et d’ajouter: «En conséquence, la Chine pourrait connaître une croissance plus faible dans les années suivantes, au-delà de 2023.»

Effondrement de l’immobilier

L’autre grand choc – la crise immobilière – n’est pas prêt non plus à s’estomper. Selon les chiffres officiels, les prix des logements neufs dans 70 villes chinoises n’ont cessé de baisser depuis au moins une année. Près d’un tiers des prêts immobiliers sont considérés comme des créances douteuses. L’effondrement de l’immobilier, qui représente environ 30% de l’activité économique, n’est pas sans conséquence sur l’ensemble de l’économie.

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Pékin a déjà injecté des milliards de yuans pour sauver des entreprises immobilières. Dans son rapport, la Banque mondiale qualifie cette crise de «structurelle» et appelle les autorités chinoises à mettre immédiatement en place un système pour réduire le risque de contagion.

La Banque mondiale ne s’arrête toutefois pas à la Chine. La croissance dans la plupart des pays en développement d’Asie de l’Est et du Pacifique a rebondi en 2022 et devrait atteindre 5,3% cette année, contre 2,6% en 2021. Cette amélioration s’explique par un rebond de la consommation intérieure après le passage du Covid-19 ainsi que par la hausse des prix des produits de base dont ces pays sont exportateurs. Par exemple, l’Indonésie a exporté du charbon pour un montant record de 27,9 milliards de dollars en août dans un contexte de crise énergétique mondiale.

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L’Indonésie, la Thaïlande et la Malaisie ont aussi accordé des subventions aux carburants et aux produits alimentaires, tant pour aider la consommation que pour contenir l’inflation. Plusieurs banques centrales (Indonésie, Vietnam et Philippines) ont tout de même relevé les taux d’intérêt.

La Banque mondiale met toutefois les Tigres asiatiques en garde contre un retournement. En cause: le ralentissement de la demande mondiale, la hausse de la dette, l’inflation liée à la force du dollar et des dépenses publiques urgentes qui mettent les budgets sous pression.