La Chine n’a pas apprécié que l’agence de notation financière Moody’s baisse sa note de AA3 à A1 avec perspective stable. Cette sanction traduit des inquiétudes sur les risques liés au surendettement, à la baisse des réserves en devises et à la capacité des dirigeants de mener des réformes structurelles. «Son évaluation s’appuie sur une méthodologie inappropriée», a réagi le Ministère chinois des finances aussitôt après l’annonce de Moody’s mercredi. «L’agence ne comprend pas le système chinois de la régulation de la dette et surestime les difficultés économiques de la Chine.»

En constante augmentation en raison de l’émergence économique du pays, la dette totale s’élevait à 256% du produit intérieur brut (PIB) à la fin de l’année dernière, contre 160% en 2008. «Une dette excessive pèse inévitablement sur les finances publiques», rappelle l’agence de notation.

Première baisse en vingt-huit ans

Pour Anton Brender, économiste chez Candriam Investors Group, gestionnaire d’actifs paneuropéen avec 107 milliards d’euros (plus de 116 milliards de francs) sous gestion à fin mars 2017, cette réaction rapide est liée surtout à une question de fierté nationale. «En réalité, les autorités chinoises reconnaissent que le surendettement peut menacer la stabilité financière du pays, explique-t-il. Elles gèrent cette situation et ont pris de nombreuses mesures, tout en sachant que le risque de catastrophe systémique est nul.» Selon lui, qu’une note baisse n’est pas dramatique: «En 2011, l’agence S&P Global Ratings avait baissé celle des Etats-Unis de AAA à AA+.» L’administration Obama avait alors pesté contre cette décision. A Pékin, l’agence de notation Dagong, lancée en 1994 dans le but de casser le monopole des grandes agences de notation occidentales, attribue à la Chine la note de AA+.

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Dans les faits et après plusieurs avertissements, Moody’s a sanctionné la Chine pour la première fois depuis vingt-huit ans. Et elle n’est pas la seule à tirer la sonnette d’alarme. En mars 2006, l’agence S&P avait dit envisager une baisse dans les six à vingt-quatre mois. Selon elle, le rééquilibrage du modèle économique chinois était «plus lent qu’attendu». Plus récemment, le Fonds monétaire international (FMI), dans son étude «Perspectives économiques mondiale 2017» publiée le mois dernier, reprochait à Pékin de «privilégier la croissance à court terme au détriment de son système financier».

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«Les banques chinoises qui appartiennent partiellement à l’Etat continuent à prêter aux nombreuses entreprises d’Etat ou privées alors même que celles-ci ne sont pas rentables et ne font que maintenir une activité, explique Anton Brender. L’Etat, qui est peu endetté, sait qu’il peut recapitaliser les banques en cas de faillite.»

Robinet de crédit

Selon Anton Brender, le surendettement constitue l’un des facteurs qui a nourri la croissance chinoise ces dernières années – avec une progression maximale de 10,6% en 2010. Mais elle est descendue à 6,7% l’an dernier, son plus mauvais score depuis un quart de siècle. «Le taux de croissance pourrait tomber autour de 5% au tournant de la décennie, prédit-il. Face à une telle perspective, Pékin ne voudrait pas que le robinet du crédit se ferme.»

Selon lui, la population en âge de travailler ne croît plus en Chine. Malgré tout, 10 millions de jeunes quittent les campagnes chaque année à la recherche de travail dans les zones urbaines. «L’Etat doit gérer cette transition en créant 10 millions d’emplois dans les services, poursuit-il. C’est le pari des autorités, qui est néanmoins loin d’être gagné. Il leur faut en permanence trouver un équilibre entre ralentissement de la progression du crédit et maintien d’une croissance suffisante de l’économie.»