Questions à

Trois ans après avoir touché leur point bas, les pharmas sont à nouveau intéressantes, car nous entrons dans un nouveau cycle de produits, estime Christophe Eggmann, gérant du fonds Julius Baer Health Innovation. Il mise en particulier sur les groupes qui savent innover.

Le Temps: Pourquoi investir dans le secteur de la santé maintenant?

Christophe Eggmann: Il y a trois ans, les entreprises pharmaceutiques ont touché un point bas. Malgré des perspectives de croissance établies – le vieillissement de la population, la montée des pays émergents –, leurs valorisations étaient très basses. Il manquait alors aux investisseurs la certitude que les laboratoires allaient délivrer de nouveaux médicaments. Depuis, la visibilité sur les pipelines des produits s’est nettement améliorée. L’an dernier, le régulateur américain (FDA) a approuvé la commercialisation de 39 nouveaux médicaments, le nombre le plus élevé depuis 1997. Le marché l’a en partie reconnu, mais les perspectives de hausse sont encore très importantes.

– Le fonds se concentre-t-il sur les grands groupes pharmas?

– Non, nous investissons dans tous les sous-secteurs de la santé, comme par exemple les techniques de diagnostic ou les équipements médicaux. La pharma et la biotech représentent cependant environ 70% de notre portefeuille, car nous pensons que nous sommes au début d’un cycle de produits.

– Comment sélectionnez-vous les entreprises?

– Nous nous concentrons sur celles qui sont capables d’innover. Et cela, pour trois raisons. Quand un médicament est innovant, les barrières à l’entrée sont très élevées. Cela permet d’avoir un pouvoir important de négociation des prix. Enfin, la propriété intellectuelle protège le nouveau médicament pendant plusieurs années, parfois jusqu’à 20 ans.

– Les génériques ne vous intéressent-ils donc pas?

– Nous laissons de côté ce segment du marché, comparable aux matières premières puisqu’il n’y a pas d’innovation. Les marges sont plus faibles et le cycle des produits est court puisque, même si une entreprise est la première à mettre au point un générique, elle sera rapidement rattrapée par un concurrent. En outre, il n’y a pas de vrai pouvoir de négociation des prix.

– Vous investissez dans le monde entier. Quid des émergents?

– Nous n’investissons pas dans ces pays, si ce n’est de manière indirecte via des entreprises occidentales qui y sont actives. Les entreprises locales innovent peu et il y a souvent des problèmes de qualité. En outre, elles exportent rarement et n’ont donc pas de marges très importantes. Enfin, le ralentissement commence à avoir des effets sur le secteur dans ces pays. Sanofi, par exemple, a subi de plein fouet la décision du Brésil de diminuer les prix des médicaments.

– La Suisse est très active dans la pharma et les biotechnologies, notamment autour de l’Arc lémanique. Etes-vous très investi dans ces entreprises?

– Il y a beaucoup d’entreprises, mais elles sont petites et nous nous concentrons sur des acteurs de plus grande envergure.

– Vous vous focalisez donc sur les deux grandes, Novartis et Roche…

– Roche entre typiquement dans nos critères, c’est une société qui innove beaucoup. Elle s’est concentrée sur l’idée de personnaliser la médecine, et ce principe s’est avéré être un succès. A court terme pourtant, c’est une action très populaire. Je n’en achèterais pas au cours actuel. Quant à Novartis, c’est un modèle tout à fait différent. Pour pallier un pipeline déclinant, la société s’est diversifiée avec les vaccins ou les produits vétérinaires, par exemple. Aujourd’hui, alors que le pipeline est à nouveau bien rempli, cette diversification empêche le cours de l’action d’atteindre un niveau plus élevé. C’est le même problème pour Bayer.

– Qu’en est-il d’Actelion?

– Actelion avait toujours vendu un pipeline prometteur. Après le Tracleer, pourtant, tous les nouveaux espoirs de produits ont flanché les uns après les autres. D’où quelques inquiétudes. Mais, depuis, le successeur du Tracleer semble faire ses preuves sur le marché. Il était temps. Actelion a aussi été suggéré comme cible d’acquisition pour un plus grand groupe. Cela semble derrière et, pour nous, ce n’est pas un investissement très intéressant à l’heure actuelle.

– Investir dans les pharmas, c’est souvent jouer le ralentissement économique. Comment est-ce que cela rentre en ligne de compte dans votre raisonnement?

– Cela peut avoir son importance. Mais le véritable moteur, c’est le cycle des produits. Et c’est cela dont nous voulons profiter.

* Gérant du JB Health Innovation Fund