En 2015, l’introduction de taux d’intérêt négatifs a fait affluer des masses de capitaux sur l’immobilier. Depuis, le rendement des obligations de la Confédération est resté négatif. Conséquence: le financement par emprunt devient encore moins cher et les immeubles de rendement sont nettement plus attrayants que les placements en obligations.

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«Au cours des cinq dernières années, 30 000 appartements ont été construits, excédant la demande. Les prix des biens résidentiels les plus cotés dans les grands centres ont bondi de 40 à 60%. Et un tiers des objets construits pour l’achat sont soit loués (investissement locatif), soit utilisés comme résidence secondaire», analyse Matthias Holzhey, économiste de la recherche immobilière d’UBS.

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En Europe, les dettes publiques et les masses monétaires des banques centrales explosent. Dès lors, personne ne saurait s’attendre à la fin de la politique de taux d’intérêt négatifs, en Suisse comme sur le Vieux-Continent. On peut en tirer cinq conclusions pour le marché immobilier helvétique.

1Les logements en propriété deviennent un investissement. La chute des coûts de financement rend l’achat d’un logement considérablement plus avantageux que sa location. Les nouveaux propriétaires ont désormais des frais d’habitation annuels de 15% inférieurs à ceux des locataires d’un logement équivalent. Avec, en plus, un rendement sur fonds propres de l’ordre de 4 à 5%. Non négligeable face à l’incertitude croissante concernant les retraites.

Aujourd’hui, beaucoup de ménages acquièrent un logement non pour l’habiter, mais comme placement financier: un appartement sur six achetés en PPE est loué. C’est moitié plus qu’il y a dix ans à peine. Car, même bas, les rendements locatifs sont alléchants.

En même temps, depuis 2014, la même proportion d’appartements achetés sert de résidence secondaire. Surtout dans les centres urbains. Ces investisseurs estiment en effet que les taux négatifs et la pénurie de placements rentables rendent peu probable une baisse de valeur et tablent sur une appréciation à long terme.

2. Le taux de vacance fait partie du jeu. Les faibles taux d’intérêt ont encouragé l’activité de construction, empêchant l’offre de s’adapter à la baisse de la demande. En outre, la quête de rendements positifs réguliers a encouragé les investisseurs à se tourner vers les appartements locatifs plutôt qu’à vendre. «A l’heure actuelle, près de 60% de toutes les demandes de permis de construire visent des immeubles locatifs, contre 50% en 2012», signale Maciej Skoczek, de la recherche immobilière d’UBS.

Pourtant, les taux de vacance devraient bientôt avoir atteint leur paroxysme. La dépréciation des immeubles et les obligations d’amortissement imposent des limites à la patience lors de la mise sur le marché. Mais avec des coûts de capital au plus bas, on peut attendre plus longtemps avant que le bien ne soit complètement loué.

3. Effet de «lock-in» chez les investisseurs dans les immeubles locatifs. Après un saut conséquent dans la foulée des taux négatifs, les prix des immeubles locatifs ne progressent plus guère. En effet, l’augmentation des taux de vacance et l’incertitude quant à l’évolution des loyers pèsent sur la disposition à payer de beaucoup d’investisseurs.

En outre, la durée d’engagement du capital est extrêmement longue, de sorte que les risques de taux d’intérêt à long terme sont élevés. Tout acheteur doit alors rester propriétaire très longtemps (effet «lock-in»), ce qui réduira petit à petit la liquidité du marché.

4. Le parc immobilier urbain devient plus écologique. Avec les taux d’intérêt négatifs, les rendements ont tellement baissé qu’investir dans la rénovation de fond en comble de son immeuble de rendement résidentiel est souvent plus lucratif qu’acquérir un objet supplémentaire.

En effet, une rénovation complète, où tous les baux sont résiliés, permet en général d’augmenter substantiellement les loyers. La possibilité de subventions publiques augmente les incitations à rénover. D’autant que, dans la foulée, les charges diminuent.

5. Des hypothèques moins coûteuses, grâce aux investisseurs directs. La concurrence entre les banques et les prêteurs hypothécaires institutionnels a tendance à faire baisser les taux d’intérêt pour les preneurs d’hypothèque. Les institutionnels peuvent proposer des hypothèques à long terme – très demandées dans un contexte de taux d’intérêt négatifs – moins cher que les banques.

Cela dit, ils s’intéressent essentiellement aux prêts à faible risque. Cela devrait creuser l’écart de taux d’intérêt entre les objets à nantissement modéré dans les bons emplacements et les objets à nantissement élevé dans les emplacements moins recherchés et, par là, accentuer la segmentation du marché.