Leur quotidien ressemble désormais à un dimanche sans fin. Contraints de fermer boutique pour une durée indéterminée depuis mardi en raison de la pandémie qui sévit, commerçants (non alimentaire), artisans et restaurateurs sont plongés dans l’incertitude. Si personne ne conteste la nécessité sanitaire de telles mesures, diverses organisations appellent à alléger les charges courantes de ces entrepreneurs, dont les revenus sont aujourd’hui réduits à néant. Notamment en les libérant du paiement de leurs loyers professionnels.

«Ces commerçants sont aujourd’hui dans l’impossibilité matérielle d’utiliser les locaux qu’ils louent», tance jeudi Carlo Sommaruga, président de l’Association suisse des locataires (Asloca). Celle-ci demande ainsi que le Conseil fédéral prononce la libération des loyers pour les commerçants fermés en raison des récentes mesures cantonales et fédérales liées à la pandémie. Les bases juridiques existent, selon lui: «Lorsqu’un chantier cause des nuisances à un commerce, le locataire peut recevoir une baisse partielle ou totale de loyer pour défaut de la chose, y compris lorsque le bailleur n’est pas responsable. Avec la fermeture obligatoire, on est dans la même logique», ajoute-t-il.

La ville de Genève a franchi le pas mercredi, en exonérant du paiement du loyer d'avril tous les commerçants occupant les locaux gérés par la gérance publique (Gérance immobilière municipale, GIM). La municipalité évalue à 1,2 million de francs par mois les coûts de cette mesure, qui «pourra être reconduite si les délais fixés dans l’ordonnance fédérale devaient être prolongés», peut-on lire dans un communiqué. Jeudi, c'était au tour de Lausanne qui, en tant que propriétaire d’immeubles, annonçait renoncer à percevoir les loyers de l’ensemble de ses locataires commerciaux. Et ce rétroactivement depuis le 1er mars. Elle appelle en outre les propriétaires privés à faire de même «dans la mesure de leurs possibilités».

Retrouvez nos principaux articles sur le virus

Utiliser une partie de la caution de loyer

«Un cataclysme d’une telle ampleur nécessite des mesures de soutien exceptionnelles», renchérit Sandrine de Kermel, présidente de l’Association pour le développement de l’économie régionale (ADER), sise à Versoix (GE). L’antenne genevoise de la Fédération des entreprises romandes (FER) propose quant à elle de pouvoir utiliser deux des six mois de caution requis pour les baux commerciaux au paiement des prochains loyers, avec un délai d’un an et demi pour reconstituer la garantie.

«C’est un investissement pour l’avenir», insiste Sandrine de Kermel. Sans cela, les fermetures pourraient s’avérer définitives, avertit la Genevoise qui dirige deux imprimeries employant huit collaborateurs. De nombreux commerçants songeraient déjà à remettre leur affaire, «nous recevons des dizaines de demandes chaque jour», affirme Olivier Nimis, patron de Remicom, spécialisé dans la vente de commerces.

Visionner la vidéo:  Coronavirus: quel impact sur l’économie?

Du côté des propriétaires, on se dit prêt à «faire un geste», affirme Olivier Feller, secrétaire général de la Fédération romande immobilière (FRI). «Aucun bailleur n’a intérêt à précipiter une faillite et se retrouver confronté à une vacance de ses locaux», signale-t-il. La FRI encourage ainsi ses membres à octroyer «au cas par cas des remises partielles de dettes ou des reports de paiement».

Ne pas alourdir le fardeau de la dette

Insuffisant, selon Carlo Sommaruga, car «le locataire reste débiteur et est en défaut». Autrement dit, il s’endette, ce qui peut constituer un lourd obstacle au moment de la reprise de l’activité, abonde Sandrine de Kermel. Sans oublier les engorgements des tribunaux à venir pour régler les litiges, souligne le président de l’Asloca. La libération de paiement doit être généralisée et porter sur la totalité du loyer, insiste l’avocat, également sénateur socialiste sous la Coupole. «Au bailleur ensuite de demander de l’aide à la Confédération», ajoute-t-il. L’Asloca demande en outre une meilleure protection des locataires contre les expulsions ou les congés pour non-paiement de loyer.

Hormis le gel des loyers, des discussions seraient en cours avec les représentants des milieux bancaires pour alléger ou suspendre la charge d’amortissement de certains propriétaires de locaux commerciaux, apprend-on de source proche. Autant de propositions visant à préserver l’économie, parmi lesquelles figurent notamment l’extension du chômage partiel aux indépendants, aux temporaires et aux apprentis, ainsi que la suspension temporaire du paiement des cotisations sociales. Sans oublier les apports de liquidités.

Lire également:  Guy Parmelin: «Ce sera difficile d’éviter une récession»

«Ce qui est en jeu c’est la pérennité de notre tissu économique», insiste Sandrine de Kermel, constitué à 99% de PME de moins de 250 collaborateurs, générant les deux tiers des emplois en Suisse. Toutes sont suspendues aux mesures de soutien à l’économie que doit annoncer le Conseil fédéral vendredi.