Le placement de la Suisse sur une liste grise, en compagnie de 41 autres Etats, dont le Luxembourg, l’Autriche et la Belgique, est une décision politique reposant sur des critères techniques totalement arbitraires qui ne tiennent pas la route. Les organisateurs du G20 avaient besoin d’une stigmatisation des paradis fiscaux et les grandes puissances ont imposé leur vision des choses. La Grande- Bretagne, notamment, est arrivée à ses fins en se mettant elle-même, avec les territoires de la Couronne, sur la liste blanche des innocents exemplaires. On peut résumer de la sorte l’appréciation de la situation faite par le Conseil fédéral, qui doit définir sa stratégie pour les mois à venir aujourd’hui lors d’une séance spéciale.
Realpolitik oblige, la Suisse ne peut guère faire plus qu’exprimer amertume et incompréhension face à l’hypocrisie des membres du G20. Elle peut par contre manifester beaucoup plus directement sa mauvaise humeur à l’endroit de l’OCDE et du rôle joué par cette organisation dans le dos de certains de ses membres. C’est ce qu’elle a fait lundi à Paris, en adoptant, de concert avec ses trois alliés européens, une attitude extrêmement ferme envers l’OCDE et son secrétaire général (lire en pages 21 et 25). C’est peut-être la raison pour laquelle Angel Gurria, qui s’exprimait mardi au siège de l’organisation en compagnie du commissaire européen Lazslo Kovacs sur les suites à donner aux décisions du G20, a joué à «l’idiot sympathique» en noyant dans un déluge de propos embrouillés ses non-réponses aux questions de la presse.
Déception en vue
A supposer qu’il réponde à son invitation et qu’il tienne le même genre de langage, la Commission de l’économie et des redevances du Conseil national risque d’éprouver quelque déception si elle parvient à auditionner le secrétaire général de l’OCDE. Ladite commission a en effet décidé il y a deux semaines de convier Angel Gurria à une audition. A ce jour, elle n’a encore obtenu aucune réponse de l’OCDE. La Commission des affaires étrangères du Conseil national a elle aussi une dent contre l’OCDE et entend que la Suisse demande des comptes sur le rapport établi à l’intention du G20 par le secrétaire général.
Les propos lénifiants de Angel Gurria sont contrebalancés par les menaces à peine voilées de Jeffrey Owens, le vrai patron du dossier fiscal à l’OCDE, lequel conseille à la Suisse de se hâter de conclure de nouvelles conventions de double imposition. La Suisse et les Etats-Unis entameront dès le 28 avril, à Berne, des discussions sur un nouvel accord, des négociations déjà en cours pourraient reprendre rapidement avec le Japon et des contacts ont d’ores et déjà été pris avec les Pays-Bas, le Danemark et la Pologne. Il n’est toutefois pas imaginable que plusieurs nouvelles conventions de double imposition puissent être conclues et encore moins être approuvées par le parlement dans un délai de quelques mois, sans compter l’écueil de l’exercice des droits populaires. Le premier accord conclu échappera difficilement au référendum et dépendra beaucoup de l’Etat avec lequel il sera signé. Et dans l’immédiat, c’est le parlement qui se rebiffe. La Commission des affaires étrangères du National exige d’être consultée avant l’ouverture des négociations.
Contribution au FMI
La marche à suivre pour la renégociation des conventions de double imposition n’est que l’un des éléments d’une stratégie globale que le Conseil fédéral s’attachera à définir ce mercredi. Il devra également, entre autres, fixer sa politique envers l’OCDE, parler d’une contribution supplémentaire au FMI proposée par Hans-Rudolf Merz sans en parler à ses collègues, et envisager les retombées de ce placement sur liste grise sur les relations de la Suisse avec l’UE.