La Cité de Calvin, toujours en lice pour élaborer une Convention de Genève numérique, se fait rattraper par son voisin hexagonal. Lancé par le président de Microsoft, Brad Smith, le projet vise à lutter contre diverses formes de violences en ligne en renforçant la collaboration entre les entreprises et les gouvernements. Une initiative présentée aux quatre coins du monde, dont la Suisse en novembre. Terre natale du texte fondateur pour protéger les civils en temps de guerre, la Suisse semble être le lieu propice pour écrire sa version XXIe siècle, tournée vers le numérique.

Seulement, le canton n’est pas le seul à s’y intéresser. Emmanuel Macron a présenté fin 2018 l’Appel de Paris pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace. Un texte ratifié par 359 acteurs, dont la Suisse et Microsoft. En mai, il a également lancé avec la ministre néo-zélandaise, l’Appel de Christchurch contre la violence en ligne. Vingt-six pays et géants d’internet y ont répondu favorablement.

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L'atout de la neutralité

«C’est clairement une déclaration d’intention pour tenter de mettre sur pied une convention, observe l’avocat Nicolas Capt. Mais les discussions avec les plateformes portaient sur la taxation des GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple et Microsoft) et sur la manière de contenir les manipulations politiques véhiculées sur les réseaux. Cela met la France sur le devant de la scène, mais ne pallie pas ses défauts intrinsèques.» Pour lui, la Suisse a une carte à jouer: l’atout de la neutralité. «Plusieurs conventions ont été faites ici. C’est un lieu de règlement de conflits entre les pays. Et la Suisse se positionne sur des sujets comme le coffre-fort numérique ou la blockchain.»

Pourquoi ce texte ne fait-il pas l’unanimité? «L’objectif est de cristalliser des grands principes ayant force contraignante et qu’un maximum de pays y adhèrent. Le fait que ce projet, qui concerne tout un chacun, soit porté par des entreprises commerciales peut troubler le message. Mais je ne désespère pas qu’il puisse aboutir», estime l’avocat.

Geneva Digital Talks

Le conseiller d’Etat Pierre Maudet l’assure, cette initiative n’est pas au point mort. Les Geneva Digital Talks de fin 2017 ont donné naissance à l’Initiative de Genève. «Les discussions se poursuivent, assure-t-il. Elles s’étendent au-delà du périmètre initial. L’effort porte désormais sur l’ensemble du cyberespace, y compris les interactions affectant les populations civiles et découlant des agissements de n’importe quel citoyen, en sa qualité d’internaute.»

Des évolutions sont attendues dans le canton, puisque le Groupe de haut niveau sur la coopération numérique doit publier son rapport ce 10 juin. «L’objectif est de mieux coordonner l’encadrement des technologies numériques, sachant que l’on recense plusieurs centaines d’initiatives à travers le monde, et en finir avec le sentiment d’anarchie ambiante», conclut Pierre Maudet.