Le poids des mots face au choc des chiffres. Moins d’une semaine après la mise sur pied, aux forceps, d’un plan de stabilisation financière sans précédent, l’Union européenne achève la semaine sur un constat d’incertitude prolongée malgré une reprise des marchés boursiers mercredi.

Côté déclarations, le branle-bas de combat ne se dément pas. Présente à Aix La Chapelle ce jeudi pour la remise du Prix Charlemagne au Premier ministre polonais Donald Tusk, Angela Merkel a, sans détour, appelé à sauver l’euro, sous pression en raison de la crise grecque et de la dette européenne, ainsi qu’à renforcer la structure de l’Union européenne. « Si l’euro échoue, a asséné la chancelière allemande, souvent critiquée pour sa réticence à venir en aide à la Grèce et ses atermoiements vis à vis de Bruxelles, ce n’est pas seulement la monnaie qui échoue mais bien plus, c’est l’Europe qui échoue, et avec elle l’idée de l’Union européenne ».

Du côté des chiffres et des actes concrets en revanche, ce volontarisme risque d’être, dans les jours qui viennent, soumis à rude épreuve. Plusieurs économistes, dont le professeur genevois Charles Wyplosz, estiment ainsi très risqué le plan de stabilisation européen basé sur l’octroi, par les Etats membres de l’Union, d’une garantie de prêts à hauteur de 750 milliards d’euros pour faire face à l’éventuelle défaillance d’un pays membre. « Si la croissance ne revient pas dans la zone euro affirme ce dernier dans une tribune, les déficits budgétaires vont continuer et pourraient s’aggraver. Les défauts de paiement pourraient alors être inévitables et les 750 milliards de garanties compenseraient les investisseurs aux frais des contribuables, sérieusement appauvris ».

Une autre critique porte sur la communication faite mercredi par la Commission européenne sur les moyens de remédier aux déséquilibres budgétaires et économiques au sein de l’UE. L’idée, avancée par son président José-Manuel Barroso, d’instaurer une surveillance communautaire des budgets des Etats-membres avant que ces derniers ne soient votés par les parlements nationaux, est contestée à la fois par certains gouvernements et par le parlement européen. La Suède a par exemple fait connaître sa désapprobation. Tandis qu’au sein du parlement européen, qui sera en session plénière du 18 au 22 mai à Strasbourg, des voix s’élèvent pour dénoncer les failles des propositions Barroso.

« La Commission doit proposer un plan de coordination fiscale de façon à permettre aux Etats membres d’augmenter les impôts des acteurs économiques les plus mobiles qui ont bénéficié partout de baisses d’impôts massives ces trentes dernières années » explique l’eurodéputé Vert Pascal Canfin pour qui «un autre élément essentiel manque dans les propositions de la Commission: l’augmentation du budget européen, au moyen de nouvelles recettes fiscales directement européennes ».

La question centrale, en effet, est maintenant la capacité de la zone euro à retrouver une croissance digne de ce nom, tout en faisant les sacrifices budgétaires indispensables. Ce qui s’annonce plus que difficile. L’Espagne et le Portugal, toujours dans le collimateur des marchés en raisons de leur endettement excessif, se retrouvent ainsi dans une quasi-impasse. Avant la réunion, lundi et mardi prochain, des ministres des Finances des Vingt-Sept à Bruxelles, le gouvernement portugais a annoncé jeudi vouloir ramener le déficit public à 4,6% du produit intérieur brut (PIB) en 2011 contre 5,1% estimés précédemment et ….9,4% en 2009.

Le Premier ministre espagnol José-Luis Zapatero a pour sa part annoncé une baisse moyenne de 5% des salaires des fonctionnaires à partir de juin, et leur gel en 2011, plus la future suppression de la revalorisation de certaines retraites et d’ aides familiales, pour accélérer la réduction des déficits publics espagnols, qui ont explosé à 11,2% du PIB en 2009. Mais en réponse, un appel à une grève générale des fonctionnaires a été lancé ce jeudi.