Credit Suisse a annoncé mercredi une baisse de 24% de son bénéfice net au troisième trimestre, ainsi que deux augmentations de capital d'un montant total de 6,05 milliards de francs suisses afin de renforcer son bilan. La banque veut aussi économiser 3,5 milliards de francs suisses d'ici fin 2018 et introduire en Bourse séparément une partie de ses activités, a-t-elle annoncé. Par ailleurs, six nouveaux membres vont faire leur entrée au conseil d'administration

Réduire les coûts pour financer les investissements

Pour Tidjane Thiam, le directeur général de Credit Suisse, les mesures d'économies de coûts de 3,5 milliards de francs prévues jusqu'à 2018 sont étroitement liées avec les investissements de 1,5 envisagés par l'établissement d'ici trois ans. «Réduire les coûts est aussi une manière de financer les investissements », a-t-il déclaré lors de la conférence de presse qui s'est tenue mercredi matin à Zurich, en préambule de la journée des investisseurs qui a lieu dès midi à Londres.

1600 postes biffés en Suisse sur trois ans

Quelles seront les conséquences de ces mesures pour le personnel en Suisse ? Tidjane Thiam a annoncé une réduction des effectifs de 1600 personnes en Suisse dans un délai de trois ans, ce qui représente entre 500 et 600 postes biffés par année. «Sur la base d'un peu plus de 17 000 employés qui travaillent en Suisse, ces réductions d'emplois pourront être entièrement gérés via des fluctuations naturelles. C'est un programme raisonnable », a estimé le directeur de Credit Suisse.

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Transfert de postes vers des régions moins chères

Tidjane Thiam n'a pas voulu donner de détails sur les secteurs d'activités concernés, dans l'attente des procédures d'information internes, qui n'ont pas encore été finalisées. Une grande partie des économies sera aussi réalisée par le transfert depuis la Grande-Bretagne de postes de travail vers des régions moins chères, telles que l'Inde.

2400 personnes à Londres, trop pour Credit Suisse

Actuellement, la banque emploie 2400 personnes à Londres. Selon le directeur général de la banque, «1800 personnes n'ont pas besoin d'être à Londres». Parallèlement, trois nouvelles unités régionales vont voir le jour: la banque universelle en Suisse (CHUB), Asie-Pacifique (APAC) et International Wealth Management (IWM). La banque d'affaires sera partagée entre les divisions «Global Markets» et «Investment Banking and Capital Markets», dirigée par James Amine.

«Un sentiment d'insécurité» chez les employés

Denise Chervet, directrice de l'Association suisse des employés de banques (ASEB), craignait l'annonce d'une nouvelle réduction de postes chez Credit Suisse. «Un sentiment d'insécurité règne parmi les collaborateurs de la banque depuis au moins deux ans, explique-t-elle. Depuis qu'un premier programme de restructuration a été mis en place et que des licenciements n'ont pu être évités.»

Départs naturels

Malgré tout, Denise Chervet croit que l'objectif visant à biffer 1600 postes en Suisse sur trois ans puisse être atteint par la voie des fluctuations naturelles. «Credit Suisse doit collaborer étroitement avec la représentation interne des employés et les partenaires sociaux pour tous les projets de réduction d’emplois et être ouvert aux propositions qui lui seront faites», prévient-elle.

Augmentation de la masse de travail

Un autre élément inquiète toutefois Denise Chervet, à savoir l'augmentation de la masse de travail pour ceux qui resteront au sein de Credit Suisse. «On ne peut pas couper encore et encore dans les effectifs et réclamer toujours plus de profits aux employés», explique la présidente de l'ASEB.

L'arbre qui cache la forêt

Enfin, cette dernière rappelle que la restructuration de Credit Suisse n'est que l'arbre qui cache la forêt. « D'autres réductions d'effectifs sont en cours ou se sont déjà produites, explique Denise Chervet. La plupart du temps en lien avec la vente d'établissements bancaires, comme le rachat de Coutts par UBP par exemple. Le problème, c'est que l'on a pas l'impression d'être au bout du tunnel », conclut la directrice de l'ASEB.

Six nouveaux membres à la direction

La direction générale accueillera également six nouveaux membres et prendra congé de quatre autres. Pierre-Olivier Bouée, Peter Goerke, Thomas Gottstein, Iqbal Khan, Helman Sitohang et Lara Warner intégreront la direction générale. Gaël de Boissard, Hans-Ulrich Meister, Robert Shafir et Pamela Thomas-Graham se retireront. La banque universelle suisse, qui sera introduite en Bourse, sera chapeautée par Thomas Gottstein.

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Bénéfice net de 779 millions de francs au 3e trimestre

Concernant les résultats du 3e trimestre, ils figurent dans la fourchette des estimations de l'agence financière suisse AWP. Le bénéfice net a atteint 779 millions de francs suisses, et les afflux nets de nouveaux capitaux sous gestion 16,4 milliards de francs, un montant que Credit Suisse qualifie de très bon. Les fonds sous gestion à fin septembre ont diminué de 4,6%, à 1.294 milliards de francs suisses.

Deux augmentations de capital

Le numéro deux bancaire suisse a par ailleurs annoncé deux augmentations de capital pour renforcer son bilan. Elles seront présentées devant une assemblée générale extraordinaire des actionnaires le 19 novembre et devraient rapporter à la banque plus de 6 milliards de francs suisses. Une augmentation de capital sera réservée à quelques investisseurs institutionnels, à hauteur de 1,35 milliard de francs suisses, et l'autre, la plus importante (4,7 milliards), aux actionnaires actuels.

«Nous voulons acheter des banques en Suisse »

Autre point qui a été largement discuté mercredi matin : le projet d'effectuer une introduction partielle en bourse des activités helvétiques d'ici 2017. Ce projet a, d'une part, été motivé pour se conformer aux exigences réglementaires mais aussi, d'autre part, pour faciliter de possibles rachats sur le marché helvétique.

Nous voulons agir comme un aggrégateur, comme un consolidateur en Suisse. Le fait d'avoir des actions cotées en Suisse permet de disposer d'une monnaie d'échange pour des acquisitions

«Nous voulons agir comme un aggrégateur, comme un consolidateur en Suisse. Le fait d'avoir des actions cotées en Suisse permet de disposer d'une monnaie d'échange pour des acquisitions», a poursuivi Tidjane Thiam qui ne cache pas sa volonté d'expansion sur le marché helvétique.

«Oui, nous voulons acheter des banques en Suisse », a assuré le directeur. Auparavant, il avait déjà souvent souligné l'importance du marché domestique pour l'établissement. Avec la réorganisation annoncée mercredi matin, trois nouvelles divisions régionales seront créées: la Suisse, l'Asie-Pacifique ainsi que l'unité International Wealth Management qui regroupera les activités de gestion de fortune en Europe, en Amérique latine et en Afrique.

La banque d'affaires reste nécessaire

Au sujet du redimensionnement des activités de banque d'affaires, Tidjane Thiam a souligné qu'il s'agissait avant tout de réorganiser celles-ci mais en aucun cas d'abandonner ce secteur d'activité. «La vision selon laquelle vous pouvez être bon dans la gestion de fortune sans disposer de banque d'affaires est fausse. Vous devez rester bon dans la banque d'affaires pour pouvoir servir la clientèle la plus fortunée », a-t-il souligné.

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Générer de la croissance à long terme

Concernant les perspectives, «dans les mois à venir, nous nous concentrerons sur la mise en oeuvre de notre stratégie, annoncée aujourd'hui», a indiqué Tidjane Thiam. «Notre objectif reste de générer une croissance à long terme, rentable et productrice de capital grâce à la mise en oeuvre de la stratégie et de la structure organisationnelle communiquées aujourd'hui», a-t-il conclu.

Action en baisse

Comme attendu à l'issue des multiples annonces, l'action Credit Suisse a ouvert en baisse mercredi à la Bourse suisse. A l'ouverture, elle reculait de 4,26% à 23,83 francs, dans un SMI quasi à l'équilibre (+0,02%). En termes de performance, l'établissement a dégagé un bénéfice net attribuable aux actionnaires en recul de 24% sur un an au 3e trimestre à 779 millions de francs.

Résultats «faibles» selon les anaylstes

Les analystes ont qualifié les résultats trimestriels de «faibles». Notamment le bénéfice avant impôts et les performances de la banque privée et la banque d'affaires ont déçu.

L'annonce d'une entrée partielle en Bourse de la banque universelle en Suisse «est la véritable nouvelle de la journée», ont estimé les spécialistes de Vontobel. IG Bank pour sa part a salué la double augmentation de capital totalisant plus de 6 milliards de francs.