Dans une Europe atone, l’économie suisse continue de tirer son épingle du jeu. Le produit intérieur brut (PIB) helvétique a progressé de 0,5% au deuxième trimestre, a indiqué mardi le Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco). En comparaison annuelle, la croissance s’est établie à 2,5%. Une performance qui se situe même au-delà de son potentiel, ou de sa moyenne historique.

En d’autres termes, alors que de nombreux pays vont connaître une longue période d’ajustement destinée à liquider l’héritage du passé, notamment un chômage élevé, des capacités excédentaires et d’importantes failles budgétaires, la Suisse ne cesse de renforcer sa compétitivité. Elle sort donc encore plus forte de cette crise que nombre de ses voisins continuent à affronter. «L’économie suisse ne doit pas résorber des déséquilibres internes importants, comme cela est le cas dans plusieurs pays européens, qui font face à des efforts de consolidation budgétaire très importants. Le potentiel de l’économie helvétique s’en trouve même amélioré», explique Bruno Parnisari, responsable du secteur conjoncture auprès du Seco. Le spécialiste s’appuie sur une étude de l’OCDE qui indique que la croissance potentielle du PIB suisse est passée à 2% après la crise financière de 2008, contre 1,5% auparavant (entre 1998 et 2007). Un niveau considéré jusqu’ici par les économistes comme trop faible en comparaison internationale.

Mieux, cette nouvelle valeur est désormais supérieure aux résultats d’un bon nombre de pays européens, à l’instar de l’Allemagne, pourtant considérée comme la locomotive du Vieux Continent. D’ailleurs, sur les 28 nations passées au crible, seuls deux autres pays, à part la Suisse, ont amélioré leur potentiel de croissance. A savoir la Suède et le Mexique. Même les Etats-Unis ont perdu des plumes, avec une capacité tombée à 2%, contre un niveau proche de 3% auparavant. La zone euro est, elle, passée de 2% à 0,8%. La croissance potentielle est un indicateur montrant le niveau qu’une économie peut atteindre quand la conjoncture est équilibrée et quand les déséquilibres du marché du travail sont résorbés. En raison des cycles, il existe toujours un écart entre la croissance potentielle et celle effectivement réalisée. Toutefois, sur le moyen et long terme, ces données tendent à se confondre.

Roland Duss relativise quelque peu le succès helvétique. «Pour moi, le potentiel de croissance de la Suisse se trouve effectivement entre 1,5 et 2%, alors que celui de l’Europe est au maximum à 1,5%.» Le directeur de la recherche auprès de Gonet & Cie estime que ce sont moins des raisons structurelles qui expliquent cette meilleure performance que la force des entreprises suisses. «L’argument essentiel est que les sociétés ont toujours su s’adapter aux crises monétaires et à la modification de la demande mondiale et restent spécialisées sur les produits à valeur ajoutée. Cette force d’adaptation se traduit par une amélioration de la productivité.»

Restent que les chiffres trimestriels du PIB suisse s’avèrent nettement supérieurs aux attentes des économistes. «C’est une spirale positive», a commenté Claude Maurer, économiste chez Credit Suisse. «Comme pour les trimestres précédents, la croissance a été soutenue par la consommation, qui a progressé de 0,7%», a indiqué Fabrizio Quirighetti. Le chef économiste de la banque Syz & Co souligne aussi l’excellente tenue des investissements des entreprises (+2,9%).

Mais le plus important réside peut-être ailleurs. Après une progression du PIB de 0,6% au cours du premier trimestre, et la bonne surprise du deuxième, les économistes seront amenés à revoir à la hausse leurs prévisions pour l’ensemble de l’année, estime Fabrizio Quirighetti. Surtout que les spécialistes s’attendent à un deuxième semestre de meilleure facture encore.

Sur les 28 nations passées au crible par l’OCDE, seuls trois pays ont amélioré leur potentiel