Christophe Nicolet
«D’un point de vue privé et professionnel, j’ai déjà vécu une telle situation.» En 2003, lorsque le SRAS frappe l’Asie, lui est en poste en Malaisie. Alors cette fois-ci, il a anticipé. Quitte à brusquer un peu ses troupes. Début mars déjà, il les réunissait. «J’avais un ton assez militaire, les gens ne prenaient pas encore cette menace au sérieux.» Il n’empêche, le fabricant neuchâtelois de sécateurs a pris une ou deux semaines d’avance sur la progression de l’épidémie. Création d’une task force de dix personnes, mesures d’hygiène et de distanciation, instauration d’une rotation entre les deux équipes de production, stratégie de communication interne et externe…
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Cela n’a toutefois pas empêché Felco de recourir au chômage partiel à partir de début avril. Si les équipes de relations avec la clientèle ou de développement travaillent à 50%, la production, elle, est arrêtée. Comme une sorte de pouls de la pandémie, Felco a vu la demande chuter brutalement en Italie, en France, en Espagne, en Suisse, puis désormais aux Etats-Unis. Christophe Nicolet note à ce sujet qu’au Japon, en Corée du Sud ou en Chine, des commandes réapparaissent peu à peu.
L’automne est la saison la plus propice pour les ventes aux arboriculteurs ou aux vignerons – pour la coupe d’hiver. Mais le printemps est évidemment celle des privés, que les sécateurs de Felco atteignent via les jardineries ou les pépiniéristes. «Ce que l’on perd aujourd’hui, on ne le rattrapera pas», résume Christophe Nicolet.
Marketing numérique et e-commerce
D’un point de vue financier, l’entreprise peut voir venir jusqu’en mai. Felco n’a pas demandé de prêt-relais. Même si le tout premier impératif, c’est la gestion de la trésorerie, confirme le patron. Par exemple: s’assurer du paiement des dernières livraisons, quitte à échelonner les factures. Ou utiliser la couverture contre les risques à l’exportation, pour certaines nouvelles commandes.
D’un point de vue stratégique, «on est forcés de redéfinir nos vraies priorités». Rationaliser? Avec un euro à 1,06 franc et un dollar à 97 centimes, difficile de faire davantage que ce qui a été entrepris depuis 2015. Certains projets ont certes été suspendus. Mais d’autres ont été accélérés. C’est par exemple le cas de la volonté de Felco de se rapprocher des consommateurs. De faire davantage de B to C, notamment grâce à des investissements dans l’e-commerce et dans un marketing numérique axé sur les ménages et les privés.
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Christophe Nicolet ne sait évidemment pas quand la normalité reprendra son cours. Mais il sait déjà que le redémarrage sera progressif. Et différent. «Nous avons tous beaucoup à apprendre de cette période, conclut-il. J’avais déjà vu, et je la revois aujourd’hui avec mes équipes, cette capacité de l’être humain, lorsqu’il est au pied du mur, à se réinventer. Cette crise sera un élément fondateur, commun à tous.»