En 2007, le monde découvre l’iPhone, «le téléphone portable de Jésus»
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Dans quelques heures, Apple va dévoiler son téléphone portable du dixième anniversaire. Lors de sa sortie, le nouveau gadget, «entre téléphone et baladeur», a suscité une grande vénération autant qu’une forte ironie. Deux archives de cette année-là

Apple présente ce mardi soir l’iPhone des 10 ans. Le premier modèle avait été annoncé en janvier 2007, était sorti en juillet aux Etats-Unis, mais pas avant 2008 en Suisse. Nous proposons deux articles de 2007 à la suite, lorsque le nouveau téléphone, attendu comme le messie technologique, arrivait en boutique, et sa découverte en Suisse, cet été d'il y a 10 ans.
2 juillet 2007, à New York: Le jour tant attendu de la sortie…
Les attentes sont trop grandes, il faut bien se résoudre à y aller. C’est «le téléphone portable de Jésus», avaient présagé les blogueurs. «Il guérit même le cancer», avait ironisé un magazine. Impossible, pourtant, d’être fixé. Les approches auprès des employés n’avaient rien donné, même les plus sournoises. Pas un mot ne devait filtrer: ni le nombre de machines disponibles, ni même l’heure à laquelle le stock allait arriver. Rien, si ce n’est cette promesse de Steve Jobs, le gourou d’Apple: entre téléphone et baladeur, le nouvel appareil sera «révolutionnaire». Rien de moins.
Il faut donc s’y résoudre: se mettre dans la queue, devant le cube d’Apple de la Ve Avenue, et attendre que s’ouvre le magasin-sésame, vendredi à 18 heures tapantes. Le correspondant du Temps sera dans les premiers à avoir un iPhone entre les mains. Qu’on se le dise.
Une file d’attente sur plusieurs centaines de mètres
En réalité, cela fait déjà bien longtemps que les derniers arrivés ne voient plus le cube en verre orné de la pomme. La queue s’allonge sur plusieurs centaines de mètres et, bientôt, elle fera le tour de tout le pâté de maisons. A l’autre bout, les premiers attendent là depuis près d’une semaine. Interrogés par des dizaines de journalistes, ils ont déjà touché leur part de célébrité. Mais il y a encore des miettes de gloire à ramasser dans cet événement médiatique mondial.
Les bus touristiques incluent le magasin de la pomme
Les bus touristiques qui passent sur la VIe avenue (oui, la fin de la queue est pour l’instant sur la VIe…) ont inclus cette curiosité dans leur tour. Les touristes mitraillent à qui mieux mieux. Un policier se fâche contre d’autres curieux qui s’attroupent, appareil photo en main, au risque de bloquer pour de bon les artères: «Vous ne savez même pas qui vous photographiez! Circulez!»
C’est vrai, qui sont-ils, au juste, tous ces mordus de la pomme, prêts à dilapider une journée entière afin d’être sûrs de rentrer avec leur iPhone? Il y a là, par exemple, Parshad et Iriene, jeune couple «just married», qui est venu avec des chaises pliables passer une petite partie de sa lune de miel sur le trottoir. Il est installateur de matériel Mac, précisément. Tous deux font partie de la grande famille Apple, à New York presque un Etat dans l’Etat, dont les membres sont autant reconnaissables à leur dégaine qu’au iPod qu’ils portent invariablement autour du cou. «Je trouve très beau qu’il n’y ait pas de favoritisme. C’est très Apple», explique Parshad, 30 ans, short et t-shirt délavé, en justifiant le fait qu’il doive faire la queue comme tout le monde, famille ou pas. Avec sa femme, ils sont arrivés à 7 heures du matin. «On voulait assister à tout ça», résument-ils de concert.
C’est un téléphone, mais il fait tout mieux que les autres
Il est enfin 18 heures. Les équipes de télévision font leurs flashs en direct, avec notre cordée en toile de fond. Il y a même des hélicoptères dans le ciel. Le premier client fait son entrée triomphale sous le gros cube dont les portes se sont ouvertes. La file frémit. Stefany aussi, même s’il lui reste encore près de deux heures à patienter. L’iPhone? «C’est un téléphone, mais il fait tout mieux que les autres», s’exclame-t-elle, sûre d’elle. Cette jeune femme d’origine asiatique, 25 ans et un sourire indétrônable, a pris congé toute la journée dans la banque (suisse) qui l’emploie. Elle a déjà un iPod (deux, en réalité), elle a un ordinateur Mac, un téléphone dernier cri. Six cents dollars, et douze heures de queue, n’est-ce pas un peu cher payé pour ce que lui apportera de plus son futur iPhone? «Ça vaut vraiment la peine, s’enthousiasme-t-elle, euphorique. Je ne le revendrais pas, même pour 3000 dollars. Enfin, si quelqu’un me l’achetait pour 3000…»
La file devient foire
La file, maintenant en mouvement, a fini de se transformer en foire. Une marque d’eau distribue des bouteilles, une marque de café, des cafés, un fournisseur de meubles remballe les sièges qu’il a mis à disposition. Une militante écologiste demande aux futurs acheteurs s’ils ont déjà pensé ce qu’ils allaient faire de leur ancien téléphone; un autre s’est déguisé en éléphant mauve et demande combien de repas on pourrait distribuer en Afrique avec le prix d’un seul téléphone. Il y a aussi un activiste qui veut lancer un mouvement pour «libérer l’iPhone» et le rendre compatible avec d’autres qu’AT&T, le fournisseur avec lequel il est lié aux Etats-Unis.
Le cube est en vue, à présent. On fait des signes de victoire à la famille venue immortaliser ce moment. A l’entrée, le personnel d’Apple applaudit les valeureux, comme des marathoniens sur la ligne d’arrivée. Il y a des dizaines de caissiers à l’intérieur, et un seul produit à vendre, version 4 ou 8 gigabytes. C’est affaire de quelques minutes.
Mais le plus dur reste à faire: maintenant, il faut traverser Manhattan, et croiser des milliers de New-Yorkais, l’iPhone emballé dans un luxueux sac spécial qui trahit à dessein son contenu. «Waouh, c’est l’iPhone! Je peux le voir?» (Luis Lema)
Lire aussi, à propos de ce mardi soir: L’optimisme porte Apple
13 août 2007, à Genève: De passage en Suisse, l’iPhone étonne et convainc
Le séjour en Suisse de Luis Lema n’a pas été de tout repos. De passage quelques jours à la rédaction du Temps, notre correspondant à New York a vite été harcelé. «Il paraît que tu as l’iPhone! Tu me le montres?» Acquis le 29 juin dernier lors de son lancement aux Etats-Unis, l’iPhone ne sera certainement pas en vente avant début 2008 en terres helvétiques. Selon des rumeurs, Allemands, Français et Anglais devraient quant à eux pouvoir l’acquérir dès la fin de cette année.
Apple optera-t-elle pour un opérateur unique en Suisse, comme c’est le cas aujourd’hui avec AT&T aux Etats-Unis? Y aura-t-il un prix réduit lors de la conclusion d’un abonnement? Le modèle européen sera-t-il différent du modèle américain? Au fond, peu importe. Car après avoir passé quelques heures avec l’iPhone, force est de constater qu’il tient toutes ses promesses. L’on peut sans souci commencer à économiser: outre-Atlantique, il coûte 499 et 599 dollars, selon sa mémoire de 4 ou 8 Go (soit 2000 chansons).
Un usage simple
Bien sûr, il est inutile d’insérer une carte SIM suisse dans le téléphone: Apple a verrouillé l’appareil pour qu’il ne soit utilisable que via AT&T. Rien ne sert de l’acquérir maintenant, même si des pirates informatiques croates, le collectif Hackint0sh, affirmaient avoir réussi il y a une semaine à faire sauter cette restriction, au terme d’une procédure complexe.
En attendant 2008, le technophile helvétique peut déjà se réjouir. L’usage de l’iPhone s’avère simple. La navigation à l’aide du doigt est aussi agréable qu’efficace. La connexion à un réseau Wi-Fi est aisée. Elle permet d’accéder rapidement à des sites web désormais facilement lisibles. Doté d’un accéléromètre performant, l’iPhone reconnaît rapidement s’il est incliné horizontalement ou verticalement, ce qui permet de lire de manière agréable des textes en mode «paysage».
Passer d’une photo à l’autre avec le doigt, c’est grandiose
La fonction la plus spectaculaire est sans nul doute le passage d’une photo à l’autre, d’un disque à l’autre, via un simple mouvement de doigt. De même, le zoom sur une image s’effectue en écartant deux doigts posés sur l’écran. Loin d’être un simple gadget, ce mode de navigation devrait vite, espérons-le, reléguer aux oubliettes les mini-joysticks des téléphones actuels ou les stylets des «smartphones». Difficile en effet de revenir ensuite à un portable d’une autre marque… Autre fonction pratique: la vue d’ensemble des SMS échangés avec une personne, ce qui permet de relire une conversation entretenue depuis quelques jours. Quelques logiciels pratiques sont proposés de série. Ils permettent de consulter les cours boursiers en direct, la météo actuelle et toutes les vidéos mises en ligne sur YouTube.
Il y a des défauts
L’iPhone serait-il exempt de défauts? Non, bien sûr. Même s’il est équipé de Bluetooth, il est impossible de l’utiliser pour envoyer des photos. Le Bluetooth permet seulement d’utiliser une oreillette. Le clavier virtuel nécessite un temps d’adaptation, et il n’est pas possible de l’utiliser en mode horizontal. Le capteur photo n’est que de deux millions de pixels, et les photos sont de bonne qualité, sans plus. Impossible d’enregistrer des vidéos. Impossible d’insérer une carte mémoire supplémentaire. Impossible d’installer des applications supplémentaires. Et la batterie dont le changement s’effectue uniquement chez un concessionnaire.
Mais on ose espérer que certains de ces inconvénients seront corrigés d’ici au lancement de l’iPhone en Europe. Patience! (Anouch Seydtaghia et Michael Lapaire).
Note de lecture d’un ouvrage récent: Comment le numérique nous façonne