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5G: une nouvelle bataille débute

Le groupe de travail «Téléphonie mobile et rayonnement» de la Confédération n’est pas parvenu à une conclusion unique, proposant cinq options concernant le rayonnement des antennes. Du coup, opérateurs télécoms et opposants à la 5G vont se déchirer ces prochains mois

Image d'illustration. — © 123rf
Image d'illustration. — © 123rf

Celles et ceux qui espéraient des conclusions claires pour mettre fin au débat sur la 5G sont déçus. Au contraire, la bataille autour de cette technologie sera relancée après la publication, jeudi à Berne, du rapport du groupe de travail «Téléphonie mobile et rayonnement» de la Confédération. Attendu depuis plus d’un an, épais de 129 pages et présenté durant près de deux heures, ce rapport n’aboutit pas à une solution unique. C’est tout le contraire: cinq options sont proposées, du statu quo à un relèvement sensible de la puissance autorisée pour les antennes. Voici, point par point, ce qu’il faut retenir de ce rapport.

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Quelles sont ces cinq options?

Situées en page 84 du rapport, elles sont le point central du document. Il y a d’abord le statu quo: si l’ordonnance sur la protection contre le rayonnement non ionisant (ORNI) n’est pas assouplie, il faudra installer 26 500 stations de téléphonie mobile en plus (il y a en aujourd’hui plus de 12 200) pour mettre en place la 5G. Cela coûtera 7,7 milliards de francs et il faudra vingt à trente ans pour couvrir la Suisse en 5G. La deuxième option propose un durcissement de la loi actuelle, avec à la clé 46 500 stations de téléphonie en plus, un coût de 13 milliards et plus de trente ans pour déployer la 5G.

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Les options 3, 4 et 5 proposent au contraire d’assouplir l’ORNI, qui impose aujourd’hui des limites, pour le rayonnement, de 4 à 6 volts par mètre (V/m). L’option 3 inclut une uniformisation à 6 V/m: il n’y aurait «que» 7500 stations de plus à installer, un coût de 3,2 milliards et la 5G serait disponible partout en dix à vingt ans. L’option 4 permet à chaque opérateur d’augmenter la puissance à 11,5 V/m: il n’y aurait plus qu’à réaménager 3000 installations existantes, pour un coût de 900 millions et la 5G serait déployée en moins de dix ans. L’idée de l’option 5 est d’aller plus loin encore avec une limite à 20 V/m, pour des conséquences très proches de celles de l’option 4. A titre de comparaison, l’Organisation mondiale de la santé préconise une limite maximale de 60 V/m.

Pourquoi n’y a-t-il pas eu une option unique?

Parce que le groupe de travail, fort de 27 membres, était composé, notamment, tant par des représentants des trois opérateurs (favorables à un relèvement des valeurs limites) que par les Médecins en faveur de l’environnement (fermement opposés à un relèvement). Du coup, impossible de trouver un consensus.

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Qu’en est-il de l’influence des ondes sur la santé?

Lorsqu’elle crée ce groupe de travail le 20 septembre 2018, la conseillère fédérale Doris Leuthard lui donne pour «mission d’étudier les outils nécessaires à l’instauration d’un réseau 5G et les risques qui en découlent». Jeudi, les membres du groupe ont, à l’inverse, affirmé qu’ils «n’avaient pas pour tâche de se prononcer sur le déploiement de la 5G en Suisse ou d’étudier les effets de la téléphonie mobile sur la santé». Et pourtant, ils ont parlé de la santé: en compilant de nombreuses études à ce sujet, ils ont affirmé que «jusqu’à présent, aucun effet sanitaire n’a été prouvé de manière cohérente en dessous des valeurs limites fixées dans l’ORNI pour les fréquences de téléphonie mobile utilisées actuellement».

Et comme les fréquences utilisées par la 5G sont actuellement les mêmes que celles de la 3G et de la 4G, les experts ont, de manière indirecte, affirmé qu’aucune étude n’a prouvé la nocivité de la 5G. Et ils ont appelé à «intensifier la recherche concernant les effets potentiels de la téléphonie mobile sur la santé».

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Que disent les opérateurs?

Ils soulignent que, selon le rapport, «l’exposition de la population aux rayonnements non ionisants est restée constante ces dernières années». Et sans surprise, ils demandent aux autorités d’opter rapidement pour les options 4 ou 5. Sinon, les réseaux mobiles seront bientôt saturés. A noter que le groupe de travail lui-même a indiqué que, dans les grandes villes, il ne restait que 2% de capacité pour la transmission de données via le réseau de téléphonie mobile. Les opérateurs vont continuer à déployer la 5G là où ils le peuvent – c’est-à-dire surtout hors des villes.

Que disent les Médecins en faveur de l’environnement?

Dans un communiqué, ils «refusent toute hausse des valeurs limites et exigent un attachement au principe de précaution». Le groupe appelle à une intensification du déploiement de la fibre optique, le plus près possible des utilisateurs, pour réduire au maximum le rayonnement.

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Que va-t-il désormais se passer?

La pression est désormais sur les épaules de Simonetta Sommaruga, à la tête du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC). Elle devra décider quelle option prendre sur la base de ce rapport. Elle peut opter pour le statu quo, au risque de se voir accusée de ralentir, voire de mettre en danger la numérisation de la Suisse.

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Elle a aussi le droit, légalement, d’assouplir l’ORNI sans consulter le parlement. Mais cela semble peu vraisemblable: la conseillère fédérale ne pourra sans doute pas faire l’impasse sur un débat public. Et si le parlement se saisit du dossier dans quelques mois, il n’est pas du tout certain qu’il décide d’assouplir l’ORNI: par deux fois ces dernières années, il avait décidé de ne pas le faire, à une voix près. Maintenant que les Verts sont davantage présents à Berne, il semble plus difficile d’augmenter les valeurs limites.

En parallèle, plusieurs initiatives contre la 5G, ainsi que des pétitions, ont été lancées et feront parler d’elles ces prochains mois.

Qu’en est-il des moratoires contre la 5G décidés par plusieurs cantons?

Ce n’était pas un objet traité par le groupe de travail. Mais en aparté, ses membres ont estimé que ces moratoires étaient illégaux. Jeudi, Christoph Aeschlimann, responsable des réseaux chez Swisscom, affirmait que «le rapport ne contient aucun nouvel enseignement sur le thème de la santé. De ce fait, les cantons et les communes n’ont plus aucune raison de retarder le déploiement de la radiotéléphonie mobile par des moratoires.»