Bien avant qu’un mystérieux nouveau virus ne mette le monde à genoux, une correction était attendue dans l’univers bouillonnant des start-up.

Phénomène phare des années 2010, ces jeunes sociétés ont pour point commun de chercher à faire émerger de nouveaux modèles basés sur les avancées technologiques. Elles ont suscité un engouement tel que leurs valorisations ont atteint des niveaux stratosphériques, jugés souvent démesurés.

Pas de consolidation

Controversée, la stratégie agressive adoptée par le fonds Vision de la société japonaise Softbank a largement contribué à l’envolée des investissements et à la production industrielle de licornes, ces sociétés dont la valeur financière est estimée à plus de 1 milliard de dollars.

Fin mars, c’est d’ailleurs son emblématique directeur, Masayoshi Son, qui se résout à lâcher la première pépite. OneWeb, une société d’origine britannique active aux Etats-Unis, se place sous la protection de la loi américaine sur les faillites. Elle n’a pas réussi à trouver l’argent nécessaire à sa survie. Celle qui ambitionne d’offrir une connexion internet à haut débit dans le monde entier sera finalement sauvée en juillet grâce à un partenariat entre le gouvernement anglais et le groupe indien Bharti.

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Alors que le monde fonctionne au ralenti et que les investisseurs observent avec attention la tournure que va prendre l’économie, beaucoup pensent que d’autres victimes vont suivre. La pandémie pourrait même représenter l’occasion de procéder à une certaine épuration d’un secteur jugé en surchauffe.

Classement dominé par les Etats-Unis et la Chine

C’est un tout autre scénario que la pandémie va écrire. Grâce à l’accélération de la numérisation et de la politique ultra-accommodante menée par les banques centrales, les valorisations vont à nouveau s’envoler. Les sociétés les plus mûres vont se précipiter sur les marchés boursiers, à l’instar d’Airbnb, entrée en fanfare à Wall Street en décembre dernier.

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Plus discrètement, une nuée de jeunes pousses – certaines d’entre elles quasi inconnues du grand public européen – vont ouvrir leur tiroir-caisse pour engranger des milliards que Crunchbase s’est amusée à recenser.

Selon les relevés de cette société californienne spécialisée dans les informations financières technologiques, l’entreprise Reliance Jio, filiale d’un groupe indien de télécommunication, caracole en tête du classement des levées de fonds. A mi-chemin entre une start-up et une société classique, elle a recueilli cette année la bagatelle de 20 milliards de dollars. Ses principaux investisseurs ont pour nom Facebook (5,7 milliards de dollars) et Google (4,6 milliards de dollars), ce qui confirme l’intérêt des GAFA pour le marché indien.

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Le spin-off de Google Waymo a d’ailleurs également suscité l’intérêt des investisseurs en 2020. Planchant sur les véhicules autonomes du futur, celui qui reste une filiale du groupe Alphabet a pour la première fois ouvert la porte à du capital externe. Il a récolté 2,25 milliards de dollars en mars, ce qui lui permet d’occuper la quatrième place du classement des plus grandes levées de fonds de l’année à mettre à l’actif d’une start-up.

Le secteur automobile en verve

Conceptrice, elle, de véhicules électriques, une autre société américaine a fait encore mieux. Rivian trône juste derrière Reliance Jio. Basée à Minneapolis, cette entreprise a pratiquement doublé cette année sa base de financement en réalisant un tour de table de 2,5 milliards de dollars. Elle avait déjà attiré des capitaux pour un montant de 1,3 milliard en décembre 2019.

Classée dixième avec une levée de fonds estimée à 1,5 milliard de dollars, la société chinoise WM Motor vise exactement le même créneau qu’elle. Elle fait partie des quatre entreprises chinoises listées, avec Ke.com (3e levée avec 2,5 milliards de dollars), Manbang Group (6e, 1,7 milliard) et Zuoyebang (7e, 1,6 milliard).

Neuvième, l’entreprise Tianqi Lithium Energy Australia est la seule actrice non sino-américaine, avec Reliance Jio. Et encore. Cette productrice de lithium est affiliée au groupe chinois qui porte le même nom qu’elle.

L’Europe en retrait

La scène européenne de l’innovation, qui n’a pas ménagé ses efforts durant la décennie pour rattraper son retard sur la Chine et les Etats-Unis, est loin derrière. A en croire le site spécialisé Siliconcanals, la fintech suédoise Klarna a réussi la plus grande opération du Vieux-Continent, augmentant son financement de 650 millions de dollars, 50 millions de plus que sa compatriote Northvolt, 2e, qui produit des batteries lithium-ion.

Tout comme au niveau mondial, les nouvelles technologies pour l’industrie automobile ont drainé beaucoup de capital en 2020, au même titre que les services financiers.

Deux levées à 100 millions en Suisse

En Suisse, les deux plus grandes levées de fonds sont à imputer à Sophia Genetics et Climeworks. Les deux start-up ont également réussi à tirer leur épingle du jeu durant cette année compliquée en augmentant leur capacité financière de 100 millions de francs.

Rien ne résume mieux les dix-huit derniers mois écoulés que l’évolution financière du fonds japonais Vision: après avoir annoncé une perte annuelle de 17 milliards de francs en mai, il a publié un bénéfice semestriel de 5,3 milliards en septembre.

Ce redressement fulgurant ne suffira pas pour calmer les inquiétudes, les licornes restant des créatures fragiles. Cet automne, la start-up chinoise RenRenChe, une plateforme de vente de voitures d’occasion, a été vendue pour quelque 1000 francs à un concurrent. Il y a deux ans, sa valeur était estimée à 1,2 milliard de francs.


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