CH++, l’initiative de Marcel Salathé pour secouer la Suisse
Politique
L’épidémiologiste quitte la task force de la Confédération et lance, avec une dizaine de personnalités, une organisation pour que la Suisse passe à la vitesse supérieure en matière de numérisation. CH++ veut s’adresser autant aux politiciens qu’à la population

Trop, c’est trop. Atterré par les carences de la Suisse dans le domaine numérique, Marcel Salathé passe à l’action. L’épidémiologiste lance ce lundi une nouvelle organisation, CH ++ (chplusplus.org), destinée à agir sur trois fronts: faire avancer la politique en matière de compétences numériques, agir auprès de l’administration et aider les citoyens à se forger un avenir numérique. Le professeur de l’EPFL, qui quitte la Swiss National COVID-19 Science Task Force, ne se lance pas seul. Il est accompagné, depuis les débuts de CH ++, d’une dizaine de personnalités, dont Serge Bignens (responsable de l’Institut d’informatique médicale I4MI de la Haute Ecole spécialisée bernoise), Olga Baranova (directrice de la campagne «Mariage civil pour toutes et tous»), Esther de Boer (directrice de GetDiversity) et Hannes Gassert (cofondateur d’Opendata.ch).
C’est la mise à nu, par la pandémie, des carences de la Suisse qui a poussé Marcel Salathé à agir. «Des données médicales échangées par fax, des codes pour l’application SwissCovid envoyées avec un immense retard, des systèmes informatiques déficients pour la vaccination… En quelques semaines, on a vu combien le pays est en retard sur la numérisation», constate l’épidémiologiste.
Déficit de compétence
Et le problème est profond, constate Olga Baranova: «Je le vois au niveau politique: il y a un immense déficit de compétence au niveau des décideurs, que ce soit à l’échelle fédérale, cantonale ou communale. Lorsque vous parlez de numérique, vous passez pour le «geek» de service. Or la numérisation est capitale pour améliorer le bien-être collectif et cela dépasse bien sûr le cadre de la pandémie.» Marcel Salathé enchaîne: «Ce que nous voulons, c’est créer une nouvelle passerelle entre le monde scientifique et technologique, et le monde politique et les citoyens.»
Fort de ce constat, Marcel Salathé et son équipe créent donc l’association CH ++. Pourquoi concevoir une nouvelle structure, alors qu’il en existe tant, déjà, pour promouvoir le numérique? «Nous avons la chance de pouvoir agir rapidement et de manière indépendante, ce qui nous permet de poser les questions difficiles», répond l’épidémiologiste. CH ++ appelle toutes les bonnes volontés à la rejoindre. Au fait, pourquoi ne pas avoir rejoint l’association DigitalSwitzerland? «Cette organisation s’adresse aux grandes entreprises et institutions. CH ++ est une initiative citoyenne ouverte à tout le monde», affirme Marcel Salathé.
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«Digital-rating»
Et concrètement, quelles seront ses premières actions? «La première chose que nous ferons, c’est de créer une sorte de digital-rating des parlementaires fédéraux, un peu sur le mode de l’eco-rating existant, avance Olga Baranova. Le but sera d’examiner les compétences numériques des élu-e-s. Et cela pourra être très utile lors des prochaines élections fédérales…»
L’objectif, c’est que cette prise de conscience ait ensuite des conséquences positives sur l’administration, notamment fédérale, pour qu’elle augmente ses compétences en matière numérique. «Que ce soit au niveau des critères d’embauche des fonctionnaires ou au niveau de la formation continue qui leur est offerte, les compétences numériques doivent jouer un rôle plus important qu’aujourd’hui», poursuit Olga Baranova.
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«Créer des ponts»
CH ++ veut aussi s’adresser aux citoyens. Déjà à l’origine de l’extension school de l’EPFL, Marcel Salathé voit désormais plus grand: «Nous devons permettre à tous les citoyens d’améliorer en permanence leurs compétences numériques pour faire face à la transformation très rapide du monde du travail.»
L’épidémiologiste avertit: le but de l’association n’est pas la promotion d’une numérisation forcenée de tous les processus et de l’ensemble de la société: «Notre objectif est avant tout de créer des bases nécessaires aux prises de décision démocratiques éclairées. Nous ne sommes pas dans une démarche normative.» On l’a vu avec l’app SwissCovid, on le voit également avec la vaccination, aucun sujet n’est apolitique. «CH ++ est une association qui est ouverte à tout le monde, indépendamment des appartenances politiques, abonde dans le même sens Olga Baranova. Et le plus important, ce sera déjà de créer des ponts entre les scientifiques et la société.»
Pour plus d'informations: https://chplusplus.org/fr/index.html