Sécurité
Pour la première fois, des forces de police ont déployé le robot Spot aux Etats-Unis. Une utilisation qui pose de nombreuses questions sur les interactions futures de ces machines avec les humains

Ils s’appellent Spot, Wildcat, Atlas ou encore BigDog. Jusqu’à présent, les robots développés par la société américaine Boston Dynamics étaient surtout des stars sur internet: leurs exploits en vidéo ont été vus des dizaines de millions de fois. Mais ces machines futuristes ne sont plus désormais cantonnées au monde virtuel: elles commencent à apparaître dans le monde réel. Le chien Spot a ainsi récemment été utilisé par des forces de police aux Etats-Unis, suscitant de nombreuses questions sur ses interactions avec les humains.
Il vaut la peine de regarder, sur YouTube, plusieurs vidéos du robot Spot pour réaliser les prouesses technologiques accomplies par Boston Dynamics. Ressemblant à un chien, la machine pesant 25 kilos est capable de se déplacer sur tous les terrains, grâce à des bras articulés d’une extrême souplesse. Bardé de capteurs et de caméras, Spot peut être contrôlé à distance, mais il se déplace aussi de manière autonome. Résistant à l’eau, à la poussière et à des chocs légers, il peut aussi transporter des charges jusqu’à 14 kilos.
Première sur le terrain
Après avoir acquis Boston Dynamics en 2013, Google s’était rendu compte que la société risquait de lui causer du tort: ses robots, notamment Atlas (ressemblant à un Terminator), suscitant la crainte. Revendu en 2017 au groupe japonais SoftBank, Boston Dynamics a continué à développer ses machines, dont Spot.
Spot est passé tout récemment de l’autre côté de l’écran. Il y a quelques mois, Boston Dynamics avait indiqué que le chien-robot devait être la première de ses créatures à être lancée de manière commerciale, sans donner beaucoup de détails. Et la semaine passée, on apprenait que la police de l’Etat du Massachusetts avait pour la première fois utilisé Spot sur le terrain.
C’est l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) qui a appris l’engagement de Spot par la police. L’organisation a exigé des détails des autorités, qu’elle a en partie obtenus. Boston Dynamics a prêté plusieurs chiens-robots à la police de l’Etat du Massachusetts d’août à début novembre. Les machines ont notamment été testées par des équipes de déminage. La police s’est refusée à donner davantage d’informations, se contentant de dire que Spot avait été engagé sur le terrain lors de deux opérations réelles.
Ouverture de porte
Une petite vidéo, émanant apparemment de cette police, circule aussi sur internet. On y voit deux Spot devant une maison. Celui qui en est le plus proche marche vers la porte, la déverrouille en une seconde et ouvre la porte. Vu la façon dont la scène est filmée, il semble qu’il s’agisse d’un exercice.
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La police de l’Etat du Massachusetts a affirmé que Spot devait notamment «fournir une inspection à distance d’objets potentiellement dangereux et d’environnements dangereux susceptibles de contenir des suspects ou des dispositifs explosifs». Des explications jugées insuffisantes par l’ACLU, qui regrettait dans un communiqué que «trop souvent, le déploiement de ces technologies se produit plus rapidement que ne le font nos systèmes sociaux, politiques ou juridiques. Nous avons un besoin urgent de plus de transparence de la part des agences gouvernementales, qui devraient informer le public de leur intention de tester et de déployer de nouvelles technologies.»
L’ACLU appelait aussi à la création de réglementations nationales «pour protéger les libertés civiles, les droits civils et la justice raciale à l’ère de l’intelligence artificielle». Car les premières utilisations de Spot interviennent alors qu’un débat fait rage, aux Etats-Unis, sur les biais de la reconnaissance faciale: les algorithmes ne sont en effet pas jugés assez bons pour identifier, par exemple, les personnes de couleur.
Inspections de sites
Pour l’heure, Spot n’est pas destiné à interagir directement avec des humains. En septembre, Boston Dynamics affirmait vouloir commercialiser 1000 premiers chiens-robots d’ici à l’été 2020. Début novembre, Marc Raibert, fondateur de la société, affirmait à l’AFP que Spot devait avant tout servir à inspecter des sites. «Pour l’instant, les personnes avec qui nous travaillons sont dans le bâtiment. Un objectif classique est de collecter des données pour mesurer l’état d’avancement d’un chantier. Nous prenons ces capteurs et nous les mettons sur un robot qui récupère les données bien plus précisément qu’un humain», affirmait-il. Il ajoutait travailler aussi avec les industries gazières et pétrolières. Et il révélait qu’il menait un projet dans la sécurité publique: «Par exemple, lorsque la police doit s’occuper d’une alerte à la bombe, elle pourra envoyer un robot.»
Le créateur de Boston Dynamics se voulait alors rassurant, affirmant que «nos conditions d’utilisation actuelles pour Spot interdisent d’utiliser le robot pour blesser ou intimider une personne. Nous ne voulons pas que quelqu’un les transforme en armes.»