Merci. Bravo pour les efforts consentis. Vous faites un travail admirable en ces temps de crise et vous contribuez à la lutte contre cette pandémie.

Voilà le style de message que les géants du numérique attendent sans doute de la part des autorités ainsi que des internautes. Ces derniers jours, Amazon, Google, Facebook ou encore TikTok ont intensément communiqué sur la lutte inlassable qu’ils livrent dans le cadre de la pandémie. Ces géants du numérique traquent sans relâche fausses informations, remèdes miracle douteux et charlataneries de toutes sortes.

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Le problème – et il est de taille – est que toutes ces plateformes prétendent éteindre des incendies… qu’elles ont elles-mêmes fortement contribué à allumer, voire à attiser. Facebook, Amazon ou Google sont des pompiers pyromanes. Les problèmes qu’ils affirment régler, ce sont eux qui les ont créés. Les fausses informations qu’ils relaient, ce sont eux qui ont tout fait pour qu’elles soient diffusées de manière virale.

Mark Zuckerberg face à la réalité

Prenons Facebook. Début mars, son directeur, Mark Zuckerberg, affirmait sortir une artillerie importante. «Nous supprimons les informations fausses et les théories du complot identifiées par les principales organisations sanitaires. Nous bloquons aussi les publicités qui tentent de profiter de la crise, par exemple en affirmant que leur produit permet de guérir de la maladie», écrivait-il. Ce n’est pas tout. Facebook s’est adjoint, depuis plusieurs mois, les services de vérificateurs d’informations dans plusieurs langues – dont par exemple Le Monde et l’AFP en français. «Cela permet de réduire la distribution de ces fausses informations d’environ 80%», s’est vanté Mark Zuckerberg.

Cela fait toujours 20% de trop. Et 20%, à l’échelle d’un réseau social qui compte 1,66 milliard d’utilisateurs quotidiens et 2,5 milliards d’utilisateurs mensuels, c’est évidemment énorme.

Facebook a beau aussi, lors de chaque requête sur le coronavirus, afficher un lien (en Suisse) vers le site de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), c’est insuffisant. Facebook a beau inciter ses utilisateurs à faire un don à l’Organisation mondiale de la santé (OMS), c’est presque anecdotique.

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Le problème, c’est le modèle d’affaires

Car si Facebook est tant devenu le vecteur de diffusion de fausses nouvelles et de remèdes bidon, c’est parce que c’est sa nature. On repense aux paroles de Roger McNamee, l’homme qui a conseillé Mark Zuckerberg, investi dans Facebook et qui est aujourd’hui un critique du réseau social: «Facebook a beau s’impliquer contre les discours haineux, les fake news ou les théories du complot, c’est précisément le contenu qui fait le plus réagir, le contenu qui est le plus partagé – et c’est exactement ce que cherche à faire Facebook», nous déclarait-il en septembre dernier.

C’est ainsi et cela ne changera pas. Facebook et son modèle basé sur la publicité se nourrit des clics et des partages de ses utilisateurs. Il en va de même pour Google, incapable de filtrer le contenu parfois totalement délirant de certaines vidéos sur YouTube promouvant des méthodes pour faire fuir le coronavirus. Twitter a beau lui aussi afficher le même lien vers le site de l’OFSP, il est lui aussi une plateforme où les pires horreurs circulent sur cette maladie. Amazon n’est pas en reste: il fanfaronne en affirmant avoir supprimé un million de produits douteux de son assortiment, il continue à en proposer par milliers, que ce soit des livres écrits par des pseudo-experts ou des systèmes risibles de prétendue protection du virus. Et bien sûr proposés à des prix éhontés, sur lesquels Amazon touche une marge.

Loin de nous l’idée de minimiser le rôle parfois bénéfique que peuvent avoir ces plateformes. Sur Facebook et Twitter, de nombreux utilisateurs relaient les messages officiels de prévention, souvent avec justesse, finesse et humour. Mais cela n’altère pas la nature profonde des réseaux sociaux, responsables, très souvent, de flatter nos plus bas instincts, avec des conséquences qui peuvent être dramatiques.