Entre le CERN, berceau du web, et Facebook, c’est l’heure du divorce. Et la rupture s’effectue sur fond de défiance. L’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) a annoncé qu’elle cessait d’utiliser, en interne, le service Workplace du réseau social. Car il est exclu, pour l’institution basée à Genève, de voir ses données aspirées par la multinationale américaine.

Si cette annonce – datant du 28 janvier – est passée inaperçue en Europe, elle a été rapidement reprise par plusieurs médias américains, de CNBC à Computerworld. «S’il est normal pour des entreprises et des organisations de changer de fournisseur, il est extrêmement rare de l’annoncer publiquement», remarquait ainsi CNBC. Facebook perd ainsi un client prestigieux. Lancé en octobre 2016, Workplace est une variante du réseau social destinée à être utilisée en interne: les employés peuvent discuter entre eux via par le biais de plusieurs systèmes de messagerie, effectuer des appels vidéo, partager des documents ou encore suivre des conférences internes.

Refus de perdre le contrôle

L’organisation a utilisé ce service depuis ses débuts, de manière gratuite. Mais c’est fini depuis le 31 janvier. «La modification du statut du compte Workplace du CERN contraint l’organisation à arrêter l’utilisation de cette plateforme», écrit ce client historique. Suite à un nouveau modèle de tarification annoncé en juillet 2019 par Facebook, l’institution se trouvait face à un choix: payer pour continuer à utiliser la version initialement gratuite ou passer à «une version certes gratuite, mais sans droits d’administration et d’accès avec une authentification CERN unique, et moyennant un transfert de toutes les données à Facebook». Exclu, pour l’organisation: «Perdre le contrôle de nos données était inacceptable, tout comme payer pour un outil ne faisant pas partie de l’offre de services de base proposés à la communauté du CERN», écrivait l’organisation fin janvier.

Jusqu’ici, un millier de membres de la communauté du CERN ont créé un compte Workplace et, en moyenne, 150 utilisateurs étaient actifs sur la plateforme chaque semaine, ce qui ne se faisait pas sans tensions. «Les réactions n’ont pas toujours été positives. De nombreux utilisateurs ont fait savoir qu’ils préféraient ne pas recourir à l’outil d’une entreprise à laquelle ils ne font pas confiance s’agissant de la protection de données à caractère personnel», écrit l’organisation, qui se tourne vers des solutions open source (telles Mattermost, déjà en service au sein du CERN) pour remplacer Workplace.

Lire aussi: Les 323 000 employés de Nestlé vont collaborer via Facebook

L’exemple de Nestlé

Au niveau mondial, le service de Facebook comptait 3 millions d’utilisateurs payants en octobre 2019. La multinationale, lors de cette annonce, se félicitait de compter parmi ses clients Zurich Insurance, Walmart, Prada, Starbucks, EasyJet, Spotify ou encore Lyft. Depuis début 2019, Nestlé utilise lui aussi Workplace pour plus de 210 000 employés. La multinationale basée à Vevey, qui utilisait depuis 2013 le service Chatter de Salesforce, se félicitait de ce choix lors de cette annonce, mettant notamment en avant une collaboration accrue de ses employés utilisant Workforce.

Contacté mardi, Nestlé affirme que «les données de l’espace Workplace by Facebook de Nestlé appartiennent à Nestlé. Elles sont hébergées sur les serveurs de Workplace by Facebook mais nous avons le contrôle sur les données.» Le groupe basé à Vevey affirme que «le système est conforme à toutes les lois en vigueur sur la protection des données.»

De son côté, Facebook s’est dit «désolé que le CERN ne souhaite plus tester Workplace», affirmant que «toutes nos formules respectent des normes strictes en matière de sécurité et de confidentialité». Workplace se décline en effet de plusieurs manières: il existe un abonnement gratuit (celui que le CERN a refusé de poursuivre) et deux payants, coûtant 4 et 8 dollars par mois et par utilisateur, offrant diverses options.


Ajout du 6 février:

Facebook précise que «Le fait, pour le CERN, de dire qu'il avait le choix entre payer ou perdre leurs droits administratifs et sur leurs données n'est pas exact. Il aurait pu opter pour l'option «Essential» de Workplace, ce qui lui aurait permis d'utiliser ce service gratuitement et de conserver les mêmes droits qu'auparavant».