Didi Chuxing, l’Uber chinois, a voulu aller plus vite que Pékin
Répression
AbonnéL’action du géant chinois de réservation de voiture avec chauffeur a dégringolé de près de 30% en deux jours à Wall Street. Le géant technologique fait l’objet d’une enquête sur sa politique de protection des données. Selon Pékin, Didi et d’autres sociétés chinoises cotées aux Etats-Unis pourraient être contraintes de céder des informations aux autorités américaines

Mais pourquoi Pékin voudrait-il mettre ses géants technologiques au pas? En novembre, les autorités de surveillance avaient bloqué in extremis l’entrée en bourse d’Ant, propriétaire de la plateforme de paiement en ligne Alipay, appartenant au groupe Alibaba de l’homme d’affaires Jack Ma, l’accusant de pratiques monopolistiques et de vouloir devenir un mastodonte incontrôlable. Elles viennent de remettre ça. Trois entreprises chinoises du numérique ont été mises sous enquête concernant leurs pratiques en matière de protection des données.
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Tout a recommencé dimanche. Didi, le géant de la réservation de voiture de tourisme avec chauffeur, est visée par une enquête menée par l’autorité chinoise de surveillance de la cybersécurité sur de potentiels risques en matière de sécurité des données. La décision a choqué le milieu financier en Chine, et surtout à l’étranger. D’autant plus que l'«Uber chinois» avait effectué son entrée vendredi à Wall Street. Sans surprise, son titre a dégringolé lundi et mardi, perdant plus de 30% par rapport à sa valeur au moment de son entrée en bourse. Vendredi, la société chinoise avait récolté 4,4 milliards de dollars.
Deux autres champions sous enquête
Le régulateur chinois ne s’est pas arrêté là. Lundi, il a mis sous enquête deux autres champions: Full Truck Alliance qui possède deux applications de transport de fret et de réservation de camions, Yunmanman et Huochebang, et Kanzhun, propriétaire du site internet de recherche d’emploi BOSS Zhipin. Malgré la politique américaine hostile à l’égard des entreprises chinoises cotées à Wall Street, Full Truck Alliance et Kanzhun avaient fait leur chemin au Nasdaq. «Pékin est mécontent de voir ses entreprises du numérique s’acoquiner avec des actionnaires étrangers», a commenté lundi un analyste cité par Bloomberg. «Les autorités chinoises veulent que les entreprises technologiques conservent leurs principaux actifs – données et algorithmes – en Chine.»
La banque Mirabaud suit ces incidents de près. Selon ses conseils aux investisseurs, la Chine représente un marché de choix. C’est sur cette toile de fond que Neil Campling, chef de la recherche et basé à Londres, analyse les mesures prises à l’encontre de Didi, Full Truck Alliance et Kanzhun. «Elles sont sensées», lance-t-il d’emblée au Temps.
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«Tout le monde est d’accord: les données représentent des valeurs inestimables pour toute société numérique, commence-t-il. Partant de ce principe, les régulateurs chinois ont travaillé sur un projet de loi sur la protection des données pour remplacer les règles existantes mais dépassées et laxistes. L’entrée en vigueur de la nouvelle loi est prévue pour septembre 2021.» Selon lui, Didi a ignoré la recommandation de Pékin de retarder son entrée en bourse américaine jusqu’à septembre. Cette information est confirmée par le Wall Street Journal (WSJ) de mardi.
La presse chinoise se félicite
«Il y a un point commun entre Didi, Full Truck Alliance et Kanzhun, poursuit Neil Campling. Les trois se sont arrangées pour aller à Wall Street avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi chinoise.» Et d’ajouter: «La Chine veut s’engager dans la voie numérique et entend encourager ses géants nationaux à devenir des champions internationaux, pour autant que ces derniers respectent les règles, notamment sur la protection des données de leurs clients chinois.» Le chercheur londonien fait encore ressortir que Pékin n’a aucune intention de brider des entreprises technologiques qui investissent dans des infrastructures, la recherche et la création d’emplois. «Dans aucun cas, Didi est représentative du paysage des entreprises technologiques en Chine», dit encore Neil Campling.
Dans son édition de mardi, le Global Times, quotidien en ligne proche du pouvoir chinois, salue «l’action des régulateurs et appelle à empêcher les entreprises de l’internet «de créer une base de données personnelles de Chinois encore plus détaillée que celle de l’Etat». Selon le journal, dans un contexte de rivalité technologique entre les Etats-Unis et la Chine, il n’est pas exclu que les entreprises chinoises cotées à Wall Street soient un jour contraintes de céder des données aux autorités américaines.
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