Technologie
Le fondateur de l’assistant Siri, utilisé dans les iPhone, s’est exprimé vendredi dans le cadre du Forum des 100 sur les possibilités offertes par l’IA et sur la nécessité d’encadrer cette technologie

Si les propriétaires d’un iPhone peuvent goûter tous les jours à l’intelligence artificielle, c’est grâce à lui. Didier Guzzoni, l’un des inventeurs de l’assistant personnel Siri, est venu s’exprimer vendredi lors du Forum des 100 organisé par Le Temps. Pour ce Suisse, habitant Mont-sur-Rolle et effectuant en temps normal la navette avec la Silicon Valley, il n’y a aucune raison de craindre l’intelligence artificielle (IA) pour l’instant. «Tout le monde parle aujourd’hui de l’IA, des politiciens aux journalistes, des sociologues à mes parents. Or je pense qu’il est essentiel que les praticiens, comme nous, les ingénieurs, nous exprimions pour vulgariser ce que nous faisons et démystifier cette technologie.»
Alors, comment définir l’IA? «On pourrait dire que c’est l’ensemble des techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l’intelligence. Mais c’est un brin vague et peut-être inquiétant. Pour nous, ingénieurs, c’est simplement une technique de programmation très bien adaptée pour résoudre certains types des problèmes qui ne pourraient pas être résolus autrement. C’est un outil, une commodité comme on dit dans le jargon du métier. Un peu comme une base de données ou un serveur web.»
«Un choix judicieux de données»
Et cet outil est aujourd’hui utilisé dans notre vie quotidienne. Didier Guzzoni cite ainsi la possibilité de traverser la Suisse avec une voiture semi-autonome, le fait que son téléphone est capable de traduire instantanément ce qu’il dit en japonais ou encore l’identification de la flore, avec une app, lors de promenades en famille. Comment en est-on arrivé là? «Jusque dans les années 2000, chaque discipline de l’IA avait ses propres recettes de cuisine. Nous avions des silos technologiques. Ensuite, le «machine learning» a décollé au début des années 2000, en utilisant des données pour créer un modèle. Ensuite, le modèle est utilisé pour comprendre des nouvelles données jamais vues auparavant. On ne programme plus par logique algorithmique, mais par un choix judicieux des données.» Ainsi, une technique d’IA unique a été créée, appliquée à une multitude de domaines.
Et aujourd’hui, cette IA «nous assiste, mais ne nous remplace pas», insiste l’ingénieur. Didier Guzzoni cite l’aide au diagnostic médical, l’appui aux avocats. Mais aussi des domaines moins connus: «Par exemple, grâce à l’IA, Rolls Royce analyse le bruit de ses moteurs d’avion pour prédire quand ils risquent de tomber en panne. Il y a aussi le service WorldBook, qui analyse toutes les vidéos d’animaux sauvages mises en ligne pour déterminer la localisation de chaque zèbre ou guépard, par exemple.»
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Pas de créativité
L’IA est omniprésente. Mais faut-il la craindre? Non, affirme Didier Guzzoni. «Nous n’avons pas affaire à une IA générale mais une IA limitée à un champ d’action très étroit. AlphaGo ne peut pas jouer aux dames, ni à feuille-caillou-ciseau x. Le système de reconnaissance des plantes ne peut pas faire la différence entre une baleine et une casserole.» L’ingénieur ajoute qu’«un système utilisant du «machine learning» ne résout pas des problèmes, ne déduit pas de nouveaux faits. Sur la base de données, il prédit ce qui va se passer ou catégorise la situation.» L’IA ne possède ni curiosité, ni créativité, ni conscience.
Mais cette IA limitée est appelée à évoluer. «Malgré les apparences, l’IA n’en est qu’au tout début de son histoire et montre un énorme potentiel. Comme beaucoup de technologies, elle est très bénéfique à l’homme, mais cette force peut également avoir un côté sombre qui peut inquiéter», affirme Didier Guzzoni. Alors, que faire? «Il faut mettre en place tous les éléments pour l’utiliser pour le bien de tous et en sécurité. Il est nécessaire d’impliquer toute la société, pas seulement les scientifiques. Et vu que le «machine learning» demande énormément de données, il faut établir des règles sur la confidentialité, l’utilisation et la transparence.»
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