Emulation nationale
Pour Dario Floreano, il serait faux de limiter la «Drone Valley» à la région lausannoise. «L’EPFZ est également à la pointe dans ce domaine et des start-up se créent aussi au Tessin. Le programme de la Confédération pour la robotique a aussi donné un coup d’accélérateur à de nombreux projets. Une émulation s’est créée.»
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Combien sont-elles, ces sociétés suisses spécialisées dans les drones? «D’après mon dernier décompte, il y en a aujourd’hui plus de 80, et ce chiffre ne cesse de grandir. Ces entreprises comptent plus de 3000 collaborateurs, affirme Simon Johnson, vice-président de la toute nouvelle Drone Industry Association Switzerland. Pour ce spécialiste, fondateur de la start-up OpenStratosphere qui vise à faire voler des drones dans l’espace, les Suisses peuvent fabriquer des drones. Mais pas seulement. «Nous pouvons construire des appareils pour des marchés de niche. Mais la plupart des sociétés helvétiques sont actives dans les services et créent de nouveaux métiers: des start-up se spécialisent, comme Picterra, qui utilise de l’intelligence artificielle pour exploiter les données. D’autres fournissent des aides au vol avec une précision d’un centimètre. Certaines, comme WindShape à Genève, sont spécialisées dans les souffleries pour drones.»
«Une proximité sans égale»
Au niveau de la gestion du trafic, la Suisse se veut aussi en avance, notamment via une réglementation souple. «La société américaine Airmap, qui travaille dans ce domaine avec Skyguide, vient de transférer son siège européen de Berlin vers Zurich, se félicite Simon Johnson. Et à Lausanne, la société Involi est aussi très bien placée dans ce secteur.» La Suisse est également un marché attractif. Depuis peu, la société vaudoise SCS Smart City Swiss distribue ainsi des drones fabriqués par la société chinoise Hikvision, capables de voler à 50 km/h et destinés aux services de secours.
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Pour Simon Johnson, la Suisse a des atouts. Mais elle n’est pas la seule. «D’autres pays possèdent des clusters pour drones. Mais nous avons tous les ingrédients pour réussir. Et une proximité sans égale. Si j’ai une demande, je peux envoyer un message par WhatsApp à un responsable de l’Office fédéral de l’aviation civile et obtenir une réponse rapidement.»
Passer au niveau supérieur
Verra-t-on l’apparition de spécialistes suisses du drone comptant 300 à 500 employés? «C’est possible, mais il faudrait passer à un niveau supérieur, avance Dario Floreano. L’accès au capital doit être plus facile et plus rapide, les start-up doivent grandir plus vite, sur le modèle de Flyability. Nous manquons de spécialistes et c’est pour cela que nous lançons, en septembre, un nouveau master en robotique à l’EPFL.»
Dans les laboratoires de l’école polytechnique, les idées ne manquent pas. En juillet, des chercheurs présentaient un drone origami capable, lors de collisions, de se ramollir pour éviter la casse, puis de revenir à sa forme initiale. Et l’équipe de Dario Floreano travaille sur un nouvel appareil via le projet Dronistics. «Nous voulons créer un appareil capable d’effectuer des livraisons entre particuliers, s’enthousiasme le professeur. Imaginez que vous devez rendre à un ami les clés de sa voiture ou envoyer rapidement un document. Il suffirait de taper son nom sur votre smartphone pour que votre drone localise votre contact et effectue immédiatement cette livraison». Dario Floreano est en train de lever des fonds pour Dronistics, projet qui pourrait à court terme prendre la forme d’une start-up.
Flyability, 350 clients au niveau mondial
L’entreprise lausannoise compte 75 employés.
Pour Flyability, l’histoire avance très vite. Fondée en 2014, l’entreprise basée à Lausanne compte aujourd’hui 75 employés. «Notre croissance demeure très forte et nous comptons désormais 350 clients au niveau mondial», se réjouit Patrick Thévoz, directeur de la société. Les drones de Flyability (vendus environ 25 000 francs pièce) sont spécialisés dans les interventions en milieu difficile, que ce soit après un tremblement de terre, ou lors d’un incendie. Ce printemps, la société a décroché un contrat avec le RAID, l’unité d’élite de la police française. «Nous visons désormais le secteur de la chimie, le secteur minier et le domaine du nucléaire, poursuit Patrick Thévoz. Nous sommes vraiment actifs sur un marché de niche, mais un marché en expansion continue. Nous voyons apparaître des concurrents étrangers, mais nous possédons une avance importante et nous n’avons pas encore perdu de contrat à cause d’eux.» (A. S.)
Wingtra: un drone mi-hélicoptère, mi-avion
Basée à Zurich, la société s’étend en Amérique du Nord.
Fondée en 2016 à Zurich, Wingtra est un spin-off de l’EPFZ. L’année suivante, l’entreprise, qui compte dans ses rangs plusieurs anciens ingénieurs de SenseFly, lançait un drone mi-hélicoptère, mi-avion. L’appareil, baptisé WingtraOne, décolle de manière verticale, puis rapidement, vole à l’horizontale. Ses ailes fixes, affirme la société, lui permettent de couvrir des territoires nettement plus importants que les quadricoptères classiques. L’entreprise, qui compte une cinquantaine d’employés, vise des marchés très proches de ceux de SenseFly, puisqu’elle s’est spécialisée dans la cartographie et les relevés topographiques. Le drone embarque des capteurs photo professionnels, dont certains possèdent une résolution de 40 millions de pixels. Wingtra, qui a récemment signé un accord de distribution avec une société canadienne, doit ouvrir un bureau sur la côte Est des Etats-Unis d’ici à la fin de l’année pour s’attaquer à ce marché. (A. S.)
SenseFly traverse une période de turbulences
L’entreprise a été restructurée cet été par Parrot.
SenseFly, c’est un peu le grand frère des start-up basées dans la région lémanique. La société avait été fondée en 2009 déjà et établie à Cheseaux-sur-Lausanne. Spécialisée dans les drones pour ingénieurs, architectes ou agriculteurs, l’entreprise a lancé plusieurs générations de drones autonomes capables de cartographier précisément de vastes espaces. SenseFly a été rachetée en 2012 par le groupe français Parrot pour 5 millions de francs. Ce dernier a imposé à sa filiale suisse, en difficulté financière, une restructuration cet été, avec à la clé une vingtaine de départs. L’entreprise compte aujourd’hui environ 110 employés et produit environ 150 drones par mois dans ses ateliers. Comme la société lausannoise Pix4D, SenseFly figure dans la division Business Solutions de Parrot. Les revenus de cette division ont augmenté de 36% en 2017, à 41,6 millions d’euros (46,8 millions de francs). (A. S.)