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Emilia Chisango: «Les faiblesses de l’Afrique peuvent aussi être des opportunités»

L’entrepreneuse zimbabwéenne Emilia Chisango est l’une des invitée du Swiss African Business Day organisé en ligne vendredi 23 octobre

L’entrepreneuse zimbabwéenne Emilia Chisango. — © DR
L’entrepreneuse zimbabwéenne Emilia Chisango. — © DR

La pandémie de Covid-19 touche toute la planète et bouleverse les habitudes autant en Suisse qu’en Afrique. Le Swiss African Business Day, réunissant les entreprises suisses présentes sur le continent, événement dont Le Temps est partenaire, devait avoir lieu à Bâle au siège de la multinationale pharmaceutique Roche le vendredi 23 octobre. Las, la réunion aura lieu en ligne.

Intervenante durant l’événement, l’entrepreneuse zimbabwéenne Emilia Chisango devra encore attendre pour découvrir la Suisse. Elle ne s’en formalise pas trop. Car elle aussi travaille à distance depuis de longs mois.

Confinement très contraignant

A la mi-octobre, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recensait 8110 cas de Covid-19 dans le pays d’Afrique australe, pour 231 morts. Mais le gouvernement a décidé d’un confinement très contraignant dès le printemps. Des dizaines de milliers de personnes ont été arrêtées pour être sorties dans les rues ou n’avoir pas porté de masque dans l’espace public. Les écoles n’ont commencé à rouvrir qu’à partir de la fin du mois de septembre et de nombreux enseignants n’ont pas repris le chemin de l’école, dénonçant leur faible salaire et le manque de protection contre le Covid-19.

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Pendant le confinement, les entreprises ont dû s’adapter. «Je ne croyais pas que cela serait possible de fonctionner à distance», témoigne Emilia Chisango, la directrice financière de Cassava Smartech Zimbabwe Limited. Cette entreprise de services digitaux est issue d’Econet, le plus grand opérateur de téléphonie mobile du Zimbabwe. Elle compte aujourd’hui plus de 1000 employés.

Services en ligne «encore plus nécessaires»

Les principaux services fournis par Cassava Smartech sont des services bancaires et d’assurance (fintech et insurtech) via les téléphones mobiles. «Le confinement a rendu ces services encore plus nécessaires, expose la directrice financière, même si le volume des affaires a diminué à cause de la crise économique.»

Le Zimbabwe est dans une situation difficile. La crise économique et l’inflation se sont encore aggravées à cause des restrictions imposées en raison du Covid-19. A tel point que la Banque mondiale estime que le produit national brut pourrait se contracter de 5 à 10% en 2020, précipitant des centaines de milliers de Zimbabwéens de plus dans l’extrême pauvreté. Toujours selon la Banque mondiale, la moitié de la population risque d’avoir de la peine à se nourrir.

Progrès numériques

Dans ce sombre tableau, Emilia Chisango assure que le Zimbabwe a progressé ces dernières années dans le domaine numérique. «Presque tout le territoire est couvert par le réseau mobile. Il y a encore quelques années, il fallait confier du cash à une personne de confiance pour qu’elle achemine cet argent dans une zone reculée ou passer par un office postal, ce qui était fastidieux», détaille-t-elle. Un service qui peut s’avérer vital, selon Emilia Chisango, dans les conditions économiques actuelles.

Pendant le confinement, Cassava Smartech a lancé plusieurs nouveaux services, dans le domaine de la télémédecine ou des assurances. Il est aussi désormais possible d’activer une police d’assurance ou d’ouvrir un compte en banque depuis son téléphone portable sans se déplacer physiquement à un guichet avec une pièce d’identité. «Car la compagnie de téléphonie mobile dispose déjà des informations sur les clients», poursuit Emilia Chisango.

La directrice financière a-t-elle des conseils pour les investisseurs suisses en Afrique? «Il ne faut pas qu’ils se laissent décourager par la mauvaise image de l’Afrique dans les médias. Notre continent concentre des villes parmi les plus avancées avec des régions démunies. Les services de paiement et de transfert d’argent en ligne y sont parfois plus avancés qu’en Occident. En effet, les infrastructures de transport et les lignes de téléphonie fixe sont bien moins développées en Afrique. Mais cela a créé des opportunités. Pour les saisir, il faut connaître les besoins des gens, pour pouvoir améliorer leur vie.» Le slogan de Cassava Smartech est d’ailleurs «Doing well by doing good», qu’on pourrait traduire par «Prospérer en faisant le bien», vaste programme.