Où sont les femmes? Toujours très peu présentes dans le monde numérique. Et encore moins dans celui de l’intelligence artificielle (IA). Lundi, la fondation ImpactIA a publié, en collaboration avec Women in Digital Switzerland, un livre blanc consacré à ce problème et intitulé «AI Needs Her»: 50 pages pour prendre la mesure du manque d’ingénieures spécialisées, mais aussi pour apporter des solutions à un problème qui n’est pas en voie de résolution.

D’abord, quelques chiffres. Seuls 22% des professionnels de l’intelligence artificielle dans le monde sont des femmes, selon des chiffres compilés par le Forum économique mondial. Les algorithmes des machines sont conçus à 88% par des hommes. Et en Suisse, on estime à moins de 10% la proportion de femmes dans le monde du numérique, selon certains rapports et tous secteurs confondus. «Et encore, ce chiffre est sans doute surestimé, car y figurent des femmes actives dans le support client ou dans les ressources humaines, affirme Laura Tocmacov Venchiarutti, cofondatrice et directrice d’ImpactIA. On parle depuis des années du manque de diversité dans la tech. Et la situation n’a pas du tout évolué favorablement, malgré les bonnes intentions affichées et les mesures prises.»

«Un terrain miné»

A qui la faute? Aux femmes. Aux hommes aussi. «En discutant avec des chefs d’entreprise, je me suis rendu compte qu’ils avaient de la peine à évoquer ce problème, car ils sont tout de suite en terrain miné, poursuit Laura Tocmacov Venchiarutti. Ils veulent poser des questions simples, mais même ces questions risquent de leur attirer des ennuis. Par exemple, ils se demandent comment accueillir des femmes dans leurs équipes d’ingénieurs. A quelles blagues faudra-t-il ensuite faire attention? Faut-il accueillir une femme ou deux, pour faciliter leur intégration? Cela semble tout bête, mais ces questions sont en réalité fondamentales.»

Alors, dans ce cas, osons poser une question bête en apparence. Pourquoi est-ce important d’intégrer davantage de femmes en intelligence artificielle? Laura Tocmacov Venchiarutti avance plusieurs raisons. «D’abord, il y a le souci tout simple de la pertinence des services et produits créés par des hommes: dans de nombreux cas, par exemple pour la santé, ils ne seront pas ou très mal adaptés aux femmes… qui représentent tout de même la moitié du marché. Ensuite, compter une écrasante majorité de développeurs hommes va renforcer des inégalités: les services étant développés surtout pour des hommes, les femmes seront exclues de nombreuses prestations et innovations.»

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Observatoire créé

Citée dans le livre blanc, une entrepreneuse affirme que «l’expertise et la compréhension de l’IA sont aujourd’hui très limitées et entre les mains d’une petite minorité». Selon elle, il faut «mobiliser à la fois les citoyens et les entreprises afin qu’ils participent à l’élaboration des politiques publiques dans ce domaine. Nous devons tous jouer notre rôle pour maximiser les avantages de l’IA, tout en minimisant ses coûts pour la société.»

Une fois ce constat posé, que faire? «D’abord, vu le manque criant de chiffres et de statistiques sur ce sujet si important, nous allons créer un observatoire de la diversité en IA, pour poser un cadre clair et montrer l’évolution de la situation ces prochaines années, annonce Laura Tocmacov Venchiarutti. Ensuite, nous avons déjà deux séminaires de deux jours («AI readiness training») pour sensibiliser à l’IA dirigeants, entrepreneurs et travailleurs. Enfin, nous avons créé des camps de vacances et des formations en ligne pour les jeunes, ce sont les camps RAIE, pour «robotic artificial intelligence education».

A noter que lundi, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, le Groupe Mutuel et l’EPFL Innovation Park ont signé un partenariat pour lancer Tech4Eva, un accélérateur de start-up dans le domaine des femtechs.