Google dévore le marché de la publicité
Technologie
Jamais la multinationale américaine n’avait été aussi puissante sur le marché des annonces, constituant presque, avec Facebook, un duopole. Google, qui vise désormais le marché de la publicité à la télévision, explose en bourse, avec une hausse de 7% vendredi à l’ouverture

La puissance des géants de la technologie va s’intensifier. Pour en être certain, il suffisait, vendredi soir, d’observer, à Wall Street, l’évolution des cours des multinationales américaines qui avaient publié leurs résultats trimestriels la nuit précédente. Amazon était en hausse de 12,5%, Microsoft de 7% et Alphabet, la holding de Google, de 5%, crevant pour la première fois le plafond des 1000 dollars. Le moteur de recherche vaut plus de 715 milliards de dollars aujourd’hui. Et ce n’est pas une limite. «Avec un ratio cours sur bénéfices de 24x en 2018 et de 20,5x en 2019, le titre n’est pas cher au regard du potentiel que le groupe conserve pour ces deux prochaines années», écrivait vendredi Daniel Pellet, analyste à la banque Bordier, dans une note.
Aucun doute pour les actionnaires de ces sociétés, elles vont dominer davantage encore leurs marchés ces prochaines années. Intéressons-nous à Google. Au troisième trimestre, son chiffre d’affaires a progressé de 24%, à 27,8 milliards de dollars, alors que son bénéfice augmentait d’un tiers à 6,7 milliards de dollars. Google, c’est bien sûr un moteur de recherche, utilisé pour 91,84% des requêtes au niveau mondial, selon la société Statcounter. Mais c’est surtout une régie publicitaire d’une puissance jamais vue. La preuve en trois points.
1. Un duopole avec Facebook
Google avale la publicité au niveau mondial. Il y a les chiffres nets: cette année, la société gagnera 72,4 milliards de dollars via les annonces qu’elle affichera sous forme de texte (59,6 milliards pour cette seule catégorie), de bannière (12,8 milliards) ou de clip vidéo. Et sur les téléphones mobiles seuls, Google générera 49,7 milliards de dollars. Voilà pour les chiffres nets. Les parts de marché sont plus parlantes encore. La multinationale contrôle à elle seule 31,8% du marché mondial de la publicité sur Internet, selon la société de recherche américaine eMarketer. Même sur le marché des bannières, qui n’est de loin pas sa spécialité, Google est le numéro trois mondial, derrière Facebook et Alibaba, avec une part de 11,7%.
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De plus en plus d’analystes parlent de duopole Google-Facebook. Sur le marché mobile, en expansion continue, Google contrôle 35% des parts, Facebook 23,5%. «Ces deux sociétés proposent les meilleures solutions, au niveau mondial, pour cibler au plus près les clients, écrivait cette semaine dans une note Monica Peart, analyste chez eMarketer. Facebook offre un ciblage des clients en se basant sur les intérêts des consommateurs, Google en analysant leurs recherches passées. Les deux entreprises sont loin devant les autres régies publicitaires».
Pour Blaise Reymondin, spécialisé dans le marketing numérique à Pully (VD), «il existe de nombreuses alternatives, mais peu sont capables de rivaliser avec l’audience et les données dont disposent ces deux géants. L’intelligence artificielle devient aussi prépondérante dans le marketing, et les géants sont loin devants dans ce domaine… et sans doute irrattrapables. Cependant, dans les outsiders qui se sortent du lot, je citerais la plateforme de publicité vidéo Teads.». Ruth Porat, directrice financière d’Alphabet, affirmait jeudi soir que «notre dynamique est le résultat d’investissements que nous faisons depuis des années dans les employés, les produits et les partenariats».
2. Des milliards pour être présent partout
Ces partenariats sont importants. Car ils coûtent des milliards à Google. On les appelle «TAC», pour «coûts d’acquisition de trafic». En l’espace d’un an, ils sont passés de 4,2 à 5,5 milliards de dollars pour le trimestre. Les «TAC», c’est l’argent que Google doit investir pour que ses services – en premier lieu son moteur de recherche – soient mis en avant par des fabricants de téléphones, des éditeurs de navigateurs web et des constructeurs de PC. Ruth Porat a averti: ces coûts vont augmenter, car l’importance toujours plus grande du mobile va rendre certains fabricants de smartphones gourmands pour que Google ait le droit d’être leur moteur de recherche.
La directrice financière a aussi mentionné un «changement dans le cadre d’un accord avec un partenaire», sans le nommer. Il s’agit sans doute, avancent les analystes, d’Apple. Cet été, un analyste avait affirmé qu’Apple avait obtenu de Google qu’il lui verse désormais trois milliards de dollars pour être le moteur de recherche par défaut dans son navigateur Safari sur iPhone et iPad. Auparavant, le montant était d’un milliard de dollars par an.
Même si l’iPhone ne représente que 17,9% des smartphones vendus dans le monde, le fait que Google investisse autant pour être présent partout montre qu’il ne veut laisser la place à aucun concurrent. Il déboursera cette année près de 20 milliards de dollars par an en «TAC» – un montant qu’aucun rival ne peut débourser.
3. A l’assaut de la télévision
Dans une récente note, un analyste de Credit Suisse affirmait que «nous croyons que YouTube apportera, à long terme, des revenus beaucoup plus importants», via les publicités affichées. Le chiffre net n’est pas connu, mais le service de vidéo devient important. Jeudi soir, on apprenait que, chaque jour, 100 millions d’heures de vidéo étaient visionnées sur YouTube sur des téléviseurs – sur tous les appareils, le milliard d’heures par jour est dépassé. Cette présence sur les téléviseurs donne des idées à Google, qui veut devenir une régie publicitaire pour les chaînes de télévision numériques.
La société vient ainsi de signer avec la chaîne CBS pour afficher de la publicité autour de sa série «Star Trek». Et selon le site Business Insider, Google a déjà des accords avec plus de 50 chaînes pour être leur régie publicitaire. A lui seul, le marché de la publicité à la télévision pèse 67 milliards de dollars aux Etats-Unis.
Amazon s’intéresse au marché des médicaments
Le numéro un mondial d’e-commerce affiche aussi des résultats en hausse, avec un chiffre d’affaires en progression d’un tiers à 43,7 milliards de dollars et un bénéfice à 256 millions. Les services cloud (via la division Amazon Web Services) sont un moteur, avec un chiffre d’affaires en hausse de 44% à 4,6 milliards (+44%) et un bénéfice opérationnel de 1,2 milliard (+40%).
Et Amazon ne cesse de s’étendre. Selon le quotidien St. Louis Post-Dispatch, le groupe a obtenu le feu vert des autorités d’au moins douze Etats américains pour distribuer des médicaments en gros, alimentant ainsi les spéculations sur une entrée prochaine du groupe de Seattle sur ce marché, qui pèse environ 450 milliards de dollars par an aux Etats-Unis. Ce marché reste dominé par les chaînes de pharmacies historiques, telles Walgreen’s et CVS.
En parallèle, Amazon lance aux Etats-Unis un service de livraison permettant au livreur de déposer un colis directement chez le client. Via une caméra connectée, les clients peuvent «suivre leur livraison grâce à des notifications en temps réel et assister à la livraison en direct ou en différé, selon la société. Le système, qui comprend une serrure, une caméra et une application, sera disponible dès le 8 novembre dans 37 localités américaines, pour 250 dollars. (LT)