Google et Facebook partent en campagne pour les européennes
Cybersécurité
A l’approche des élections, les deux géants californiens font la promotion de leurs actions mises en place pour assurer la sécurité du scrutin. Des dispositions dont l’efficacité ne fait pas l’unanimité

La démocratie européenne est en danger. Ce n’est pas l’auteur de ces lignes qui le dit, ce sont les géants du Net. Et ils ont tout prévu pour que l’Europe sache qu’ils sont là pour la défendre. Pleine page pour Google dans la revue britannique The Economist de cette semaine, même chose pour Facebook dans le quotidien français Le Monde de mardi. Les deux groupes y annoncent mettre en place des solutions de sécurité accrues à l’approche des élections européennes.
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Google, par exemple, indique que son service Project Shield est mis à disposition d’organismes de presse, d’associations de protection des droits de l’homme ou encore d’organisations consacrées au suivi des élections. Il est censé empêcher le blocage de leurs sites internet lors d’attaque par déni de service. Google précise défendre ainsi l’information dans une période où elle est essentielle.
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Facebook déclare la guerre aux «fake news»
Second exemple, Facebook. Le réseau social se présente comme un modèle en termes de lutte contre la désinformation et les fake news. Au programme: intelligence artificielle, centre d’opérations dédié, équipe de modérateurs accrue et collaboration avec des services internationaux de vérification de l’information. L’objectif principal est de traquer les comptes diffusant de fausses nouvelles, de réduire leur visibilité et de les supprimer si nécessaire.
Un dispositif conséquent mais dont l’efficacité est remise en doute par l’organisation de cybermilitantisme Avaaz. Principalement connue pour ses pétitions en ligne, l’ONG spécialisée dans les actions sur internet a annoncé vendredi dernier avoir enquêté sur 23 pages personnelles présentes sur Facebook diffusant de fausses informations au sujet de la politique italienne. Elle a précisé que ces pages n’ont été supprimées par les équipes de modération qu’après leur signalement par Avaaz. L’avis de Christoph Schott, directeur de campagne pour Avaaz, sur l’efficacité des équipes de Facebook est clair: «Le fait qu’une compagnie multimilliardaire doive s’appuyer sur une enquête à financement participatif d’Avaaz en dit long.» Il invite aussi Facebook à en faire plus, et rapidement. Contacté par Le Temps, Facebook remercie Avaaz pour son aide, tout en rappelant que des millions de faux comptes sont supprimés chaque jour.
Les données personnelles, grandes absentes
Cependant pour Solange Ghernaouti, directrice du Swiss Cybersecurity Advisory & Research Group de l’Université de Lausanne, le principal risque qui plane sur les élections reste lié aux données personnelles des utilisateurs et à ce que des tiers peuvent en faire. Cette question avait pourtant été au cœur du scandale Cambridge Analytica ayant frappé Facebook et le monde informatique l’année dernière. Pour l’experte, ces campagnes de communication existent surtout pour soigner l’image des acteurs du web, ne portant pas sur ce qu’elle considère comme le véritable problème. Rappelant que les géants du Net ont longtemps refusé la responsabilité liée à la nature des contenus véhiculés, à leurs conséquences ainsi qu’à l’utilisation des informations personnelles collectées, elle précise: «Le ciblage permis par l’analyse de ces données peut être vu comme légitime lorsqu’il s’agit de marketing à des fins commerciales, il devient beaucoup plus problématique lorsqu’il a pour but de manipuler les opinions à des fins politiques.»
Interrogé sur ce point, Facebook rappelle les mesures prises sur ce sujet, considéré comme déjà traité: restrictions des données accessibles aux applications, une transparence accrue sur la provenance des publicités à caractère politique et un audit des applications ayant eu accès à un large échantillon de données avant ces changements.
Mais pour Solange Ghernaouti, cela ne change pas le fond: le débat politique devient un produit comme les autres et les électeurs, des consommateurs gérés comme des clients dans le modèle économique des grands groupes d’internet. «J’ai un problème avec cette image que ces groupes tentent de se donner: celle de sauveurs venus nous protéger d’un problème qu’ils ont contribué à créer.»