Si la publicité en ligne a fait son succès, Google regarde désormais faire d’autres horizons. Ceux du cloud computing, l’informatique dématérialisée, qui fait déjà les beaux jours d’Amazon et de Microsoft. Le moteur de recherche, filiale de la société chapeau Alphabet, est bien présent sur ce marché en forte croissance. Mais il demeure encore en retrait face à ces deux principaux rivaux.

Pour combler son retard, Google semble bien décidé à passer à la vitesse supérieure. Fin novembre, le géant du Web a ainsi recruté Diane Greene, la nommant à la tête d’une nouvelle division ressemblant l’ensemble de ses activités dans le cloud. A 60 ans, la responsable est une personnalité respectée de la Silicon Valley, depuis qu’elle a co-fondé puis dirigé VMWare, une société californienne spécialisée dans les logiciels de virtualisation.

«Diane possède une inestimable expérience opérationnelle qui va aider notre entreprise», assure Sundar Pichai. Le nouveau directeur général de Google loue notamment «sa connaissance du monde de l’entreprise». C’est justement l’un des points faibles de la société, estime Jerry Chen, ancien dirigeant de VMWare, désormais associé au sein du fonds de capital-risque Greylock Partners. «Google dispose d’une excellente technologie et d’excellents ingénieurs, explique-t-il. Mais les entreprises demeurent prudentes sur sa capacité a appréhender le cloud».

Les enjeux sont immenses pour le groupe de Mountain View. L’an passé, le cloud d’infrastructures a généré plus de 16 milliards de dollars de chiffre d’affaires, en hausse de 48% par rapport à l’année précédente, selon les estimations du cabinet Synergy. «Le marché mondial est aujourd’hui lancé sur une trajectoire de forte croissance, car la plupart des barrières, réelles ou ressenties, ont maintenant été levées», assure John Dinsdale, son directeur de recherche.

Un nombre croissant d’entreprises et d’administrations renoncent ainsi à bâtir leur propre infrastructure informatique. Elle préfère louer les serveurs d’Amazon, de Microsoft ou de Google. Ce modèle gagne du terrain car il offre davantage de souplesse et permet également de limiter les coûts. «Pour les entreprises, la question n’est plus de savoir si elles vont passer au cloud mais plutôt de savoir quand elles vont y passer», assure Jeff Barr, évangéliste en chef chez Amazon Web Services.

Premier à se lancer, le géant américain du commerce en ligne reste encore le leader incontesté du marché. Le cloud est même devenu sa première source de profits. Au troisième trimestre, AWS a dégagé un bénéfice opérationnel de 521 millions de dollars, contre seulement 472 millions pour les activités de distribution, son cœur de métier historique de la société. Son chiffre d’affaires a bondi de 78%, dépassant les deux milliards de dollars. Chez Microsoft, la solution maison Microsoft Azure enregistre aussi une forte croissance. Elle a été placée au cœur de la stratégie de reconquête menée par Satya Nadella.

«Nous partons de derrière, reconnaissait en novembre Urs Hölzle, directeur de l’infrastructure de Google. Mais notre taux de croissance est certainement le plus élevé de l’industrie». Le responsable ne manque pas d’ambitions. «En 2020, le cloud nous rapportera davantage que les recettes publicitaires», assure-t-il. La publicité constitue actuellement près de 90% du chiffre d’affaires de Google (66 milliards de dollars en 2014), contre à peine quelques centaines de millions de dollars pour l’informatique dématérialisée.

En misant gros sur le cloud, Google cherche aussi un nouveau relais de croissance pour les cinq à dix prochaines années. «Ils souhaitent diversifier leur sources de revenus», note Brian Blau, analyste au sein du cabinet Gartner. L’entreprise ne veut plus être dépendante de la publicité en ligne, sur laquelle elle a pourtant bâti son modèle économique mais dont le potentiel de progression est désormais plus limité. Symbole de cette évolution: le lancement en novembre d’une offre payante permettant de regarder l’intégralité des vidéos de YouTube sans aucun clip promotionnel.