Publicité

La grande peur de Facebook

Le réseau social affiche clairement sa crainte de perdre des revenus publicitaires à cause de la nouvelle politique de protection des données d’Apple. De son côté, Google se tait, en partie à cause de l’accord à plusieurs milliards de dollars qui le lie à Apple

A gauche, le message de Facebook demandant à «Aider les commerçants qui dépendent des annonces pour atteindre des clients». A droite, celui d'Apple, très négatif: «Facebook aimerait votre permission pour vous pister à travers des apps et des sites web gérés par d'autres entreprises». — © keystone-sda.ch
A gauche, le message de Facebook demandant à «Aider les commerçants qui dépendent des annonces pour atteindre des clients». A droite, celui d'Apple, très négatif: «Facebook aimerait votre permission pour vous pister à travers des apps et des sites web gérés par d'autres entreprises». — © keystone-sda.ch

A gauche, Apple, fabricant d’un téléphone dont les utilisateurs sont les plus dépensiers sur internet. A droite, Facebook, propriétaire de l’une des plus grandes régies publicitaires en ligne. Entre ces deux géants de la technologie, une bataille majeure sur la vie privée s’intensifie, bataille dont l’issue concerne des milliards d’internautes. Aujourd’hui, Facebook a si peur de perdre une partie de ses revenus publicitaires à cause d’Apple qu’il décide de prendre directement à partie ses utilisateurs.

C’est dans la nuit de lundi à mardi que le réseau social a dévoilé sa stratégie. Elle tient en un nouveau message demandant à l’utilisateur s’il veut recevoir des annonces personnalisées par la création d’un profil publicitaire. Appelé IDFA, pour identifier for advertisers, il est utilisé par de nombreux annonceurs. Le réseau social, qui a commencé à afficher un tel message pour un nombre restreint d’utilisateurs des apps Facebook et Instagram, veut prendre les devants. Car dès ce printemps – la date n’est pas connue – et le lancement d’une nouvelle version du système d’exploitation iOS sur iPhone et iPad, Apple demandera cette autorisation en des termes bien différents.

Deux messages opposés

Comment Facebook formule-t-il son message? «Autorisez-vous Facebook à utiliser votre activité sur l’app et le site web?» écrit le réseau social, avec en toile de fond le dessin d’une femme consultant son téléphone, entre une tasse de thé et un pot de fleurs. Au milieu de la notification, Facebook mentionne: «Obtenez des publicités davantage personnalisées. Aidez les commerçants qui dépendent des annonces pour atteindre des clients». En bas, deux boutons, «Autoriser» et «Ne pas autoriser».

Ce printemps, Apple va forcer toutes les apps qui veulent utiliser les données des utilisateurs à des fins publicitaires à afficher un tout autre message. Ce sera, dans le cas du réseau social: «Facebook aimerait votre permission pour vous pister à travers des apps et des sites web gérés par d’autres entreprises. Cela permettra à Facebook de vous offrir une meilleure expérience publicitaire.» Et en dessous, deux boutons: «Demander à l’app de ne pas vous pister» et «Autoriser le pistage».

Facebook ulcéré

Deux messages à la tonalité opposée qui devraient, dès ce printemps, s’afficher l’un après l’autre. Ce n’est que si l’utilisateur répond affirmativement aux deux notifications que Facebook pourra continuer à pister l’internaute. Pour l’heure, le réseau social commence à afficher ce message «pour beurre», afin de tester la réponse des internautes et de les amadouer. Or selon plusieurs études, la part des utilisateurs d’iPhone qui accepteront d’être «pistés» – pour reprendre l’expression d’Apple – ne sera pas supérieure à 20%.

Facebook est très fâché contre la façon de présenter les choses de la part du fabricant de l’iPhone. «Apple fait cela pour donner la préférence à ses propres services et ses produits publicitaires ciblés», affirme un porte-parole, qui précise que «le fait d’accepter notre écran ne signifie pas que Facebook collecte de nouveaux types de données, mais simplement que Facebook peut continuer à offrir de meilleures expériences aux gens». La semaine passée, Mark Zuckerberg, directeur du réseau social, a affirmé qu’Apple «menace les annonces personnalisées sur lesquelles comptent des millions de PME pour atteindre leurs clients».

A noter qu’Apple permet déjà de désactiver manuellement l’IDFA, mais pour cela il faut se rendre loin dans les paramètres de son appareil.

Lire aussi: Entre Apple et Facebook, une lutte qui nous concerne tous

Estimation des pertes

Si Facebook réagit si fort, c’est qu’il craint pour ses revenus. Lors du quatrième trimestre, la publicité a représenté une part de 96,8% de ses 28,1 milliards de chiffre d’affaires. Quelle part pourrait être affectée par la nouvelle politique d’Apple? Selon les analystes de Bank of America, environ 3% des revenus de Facebook pourraient disparaître – soit environ 3 milliards de dollars par année. D’autres analystes évoquent une perte de 7% de ses recettes publicitaires.

Dans cet affrontement, un acteur majeur se tait: Google. La semaine passée, le numéro un mondial de la publicité – environ 40 milliards de dollars de chiffre d’affaires par trimestre – a simplement dit, dans un post de blog, qu’il allait cesser d’utiliser le système IDFA à la suite de la nouvelle stratégie d’Apple. Mais sans jamais critiquer ce dernier. Pourquoi? Lundi, le Washington Post avançait deux pistes. La première tient au modèle d’affaires de Google, qui tire l’immense majorité de ses revenus des publicités affichées à côté des résultats de recherche. Le réseau social, lui, est dépendant des annonces affichées dans Facebook et Instagram, et sert aussi de régie pour des apps tierces.

Lire aussi: WhatsApp veut rassurer ses utilisateurs pendant que Telegram, Signal et Threema s’arment contre lui

Accord de 12 milliards?

La deuxième raison avancée tient au lien contractuel entre Google et Apple. Le premier verse chaque année au second des milliards de dollars pour être le moteur de recherche par défaut dans ses appareils. Le chiffre de 12 milliards par année avait été avancé en octobre dernier lors d'un dépôt de plainte, par le Département américain de la justice, dans le cadre de poursuites pour pratiques anticoncurrentielles.